So shocking ! – Alan Bennett

Lecture commune avec Maggie et Titine

Titre original : Smut : two unseemly stories
Traduction (anglais) : Pierre Ménard
Folio, Denoël, 2010-2011, 194 pages

 
Les premières phrases :

– Je suppose que vous êtes ma femme, dit l’homme dans la salle d’attente. Je ne crois pas que nous ayons eu l’honneur d’être présentés.

 
L’histoire :

Première nouvelle : Mrs Donaldson sort du placard

 
Mrs Donaldson est veuve, et semble promise à de longues années de respectable solitude endeuillée. Elle refuse cependant de se laisser abattre, au grand désespoir de sa fille Gwen, elle-même mariée et très attachée au défunt. Mrs Donaldson prend alors deux décisions incongrues, qui lui permettront d’arrondir ses fins de mois, tout en ajoutant un peu de piment à sa morne existence. Elle loue l’une des chambres de sa maison à un couple d’étudiants au comportement irréprochable, puis se fait engager comme comédienne par l’hôpital local, qui organise pour ses jeunes étudiants en médecine des séances de présentation de cas, au cours desquelles Mrs Donaldson et ses collègues incarnent des patients souffrant de divers symptômes. La vie de la veuve prend cependant une tournure inattendue lorsque ses locataires se retrouvent dans l’incapacité de payer leur loyer. Le jeune Andy lui propose alors un surprenant marché…

Deuxième nouvelle : Mrs Forbes reste à l’abri

Mrs Forbes est très fière de son fils Graham, auquel elle vous une affection et une admiration sans borne. Quelle n’est pas sa déception lorsque celui-ci choisit d’épouser Betty Greene, une riche héritière “moins belle et même légèrement plus âgée que lui” (de quoi crier au scandale, effectivement) ! Les deux tourtereaux se marient, et semblent mener une vie heureuse, quoique désespérément convenue. Oui mais voilà : le merveilleux Graham, en apparence si respectable, dissimule un secret croustillant, qui bouleverserait sans nul doute l’équilibre psychique de sa mère si celle-ci venait à le découvrir. So shocking !

 

L’opinion de Miss Léo :

 

Derrière ce titre so british se cachent en réalité deux nouvelles bien distinctes, ce qui n’apparaît d’ailleurs pas clairement sur la quatrième de couverture (on s’attend plutôt à un roman présentant deux histoires en parallèle). Il vaut mieux le savoir avant de commencer !

 

J’avais découvert Alan Bennett avec La reine des lectrices, petit bijou de fraîcheur et d’ironie, au ton délicieusement burlesque et décalé. On retrouve ici la patte de l’auteur, dont le style se pare volontiers de réjouissantes salves d’humour noir, promptes à relever les travers de la middle-class anglaise un peu coincée. Les situations les plus absurdes sont envisagées en toute simplicité, et le récit, souvent caricatural, tient davantage de la fable que du roman réaliste. Les deux nouvelles du recueil sont très portées sur le sexe, et certains développements de l’intrigue se révèlent assez scabreux, pour ne pas dire malsains. Le ton est cependant suffisamment léger et distancié pour que l’on s’en amuse.

 

Les personnages sont intéressants, en particulier cette Mrs Donaldson, qui prend sa vie en main à un moment clé de son existence, là où les convenances auraient exigé qu’elle se retire du monde. Non, la vie d’une femme n’est pas terminée à cinquante ans, et oui, on peut encore manifester du désir sexuel et nourrir quelques fantasmes à cet âge avancé ! J’ai beaucoup aimé les scènes se déroulant à l’hôpital, qui nous valent quelques moments savoureux. Les talents d’actrice de Mrs Donaldson séduisent le sarcastique Dr Ballantyne, qui tombe sous le charme de la veuve, laquelle sera par ailleurs totalement émoustillée par le spectacle des ébats sexuels de ses impudiques locataires.

 

La deuxième nouvelle envisage avec humour la déchéance morale d’une famille anglaise on ne peut plus  respectable, dont tous les membres semblent céder à quelque pulsion douteuse. Mrs Forbes se montre délicieusement bornée, et refuse d’envisager la moindre faille chez son précieux rejeton. Les apparences sont cependant trompeuses, et les victimes de ce jeu de faux-semblants ne sont pas toujours celles que l’on croit ! Je n’en dis pas plus, afin de ménager l’effet de surprise.

 

J’ai aimé l’ambiance politiquement incorrecte de ces deux récits, très plaisants sur le moment, mais qui ne me laisseront cependant pas un souvenir impérissable (j’ai lu le livre il y a moins de trois semaines, et certains détails commencent déjà à s’effacer). Les thèmes abordés sont intéressants, mais l’ensemble demeure toutefois assez superficiel, et me paraît beaucoup moins subtil que La Reine des lectrices, qui avait été pour moi un coup de coeur. Le trait est ici plus grossier, et le charme qui se dégage de ces deux nouvelles ne suffit pas pour autant à en faire une lecture inoubliable. J’ai tout de même apprécié l’humour de l’auteur, ainsi que le côté décalé des situations proposées.

 

Merci à Lise, des éditions Folio, qui m’a offert la possibilité de découvrir ce titre.

 

Deux nouvelles sympathiques et divertissantes, dans un registre croustillant et décalé. Agréable, sans plus.

 

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Nouvelle participation au Mois anglais, brillamment organisé par Lou et Titine.

9 thoughts on “So shocking ! – Alan Bennett

  1. Encore une fois, nous avons le même ressenti sur un livre. Je l'ai trouvé plaisant, amusant mais il ne me laissera que peu de souvenirs. J'ai, comme toi, bien aimé les interprétations de Mrs Donaldson en tant que patiente, ce sont les meilleurs passages du livre.

  2. j'avoue être hésitante sur celui-ci, et les différents avis parus sur ce livre confirme mon ressenti la première fois où je l'ai vu…je préfère lire, quand je l'aurai sur moi "La reine des lectrices".

  3. Je me suis un peu ennuyée à la lecture bien que les thèmes soient riches comme tu le soulignes. J'ai juste aimé les scènes avec les faux patients…

  4. Déjà que je ne suis pas autant emballée que toi sur La reine des lectrices (un début prometteur et génial, la suite décevante). J'aime assez l'idée des nouvelles. Je verrai à l'occasion. Bises

    1. Il est vrai que la Reine des Lectrices s'essoufflait un peu sur la longueur, mais je l'avais tout de même lu avec grand plaisir. Celui-ci est loin d'être inoubliable… Bisous et bonnes vacances !

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