To say nothing of the dog – Connie Willis

Titre français : Sans parler du chien (J’ai Lu SF)
eBook Kindle, 1997, environ 570 pages

 
Les premières phrases :

There were five of us – Carruthers and the new recruit and myself, and Mr Spivens and the verger. It was late afternoon on November the fifteenth, and we were in what was left of Coventry Cathedral, looking for the bishop’s bird stump.

 

L’histoire :
Oxford, 2058. Le voyage dans le temps est désormais la chasse gardée d’une petite équipe d’historiens, dirigée par le professeur Dunworthy. Ned Henry, spécialiste de la deuxième guerre mondiale, appartient au groupe chargé de reconstruire à l’identique la cathédrale de Coventry, détruite par un raid aérien de la Luftwaffe pendant le Blitz. Harcelé par la tyrannique Lady Schrapnell, instigatrice et coordinatrice du projet, il multiplie les allers-retours en 1940, bravant mille dangers pour tenter de pénétrer à l’intérieur de la cathédrale le soir même du bombardement. C’est à la suite de l’une de ces périlleuses escapades que Dunworthy lui confie une mission de la plus haute importance : ramener en 1888 le chat victorien que sa collègue Verity Kindle a sauvé de la noyade, une bien malheureuse initiative qui semble devoir mettre en péril l’avenir de l’Angleterre et de l’humanité toute entière.

 

 

L’opinion de Miss Léo :

 

Le résumé ci-dessus est très réducteur, et ne rend pas totalement justice au roman de Connie Willis, OVNI littéraire indescriptible et passablement déjanté. J’ai pourtant eu beaucoup de mal à rentrer dans l’histoire, bien que le thème en soit très alléchant. Songez donc. Une intrigue à base de voyages dans le temps associant le blitz et l’époque victorienne : tout ce que j’aime ! Le début du livre m’a toutefois semblé laborieux et confus, et j’ai dû m’accrocher pour passer le cap du premier chapitre, auquel on ne comprend il est vrai pas grand chose. La suite est un peu longue, et il s’écoule encore quelques dizaines de pages avant que le roman ne trouve enfin son rythme de croisière, ce qui n’est finalement pas très grave, sachant que le livre en comporte près de six cents au total ! Malgré mes réserves initiales, j’ai toute de suite décelé dans la plume de Connie Willis les traces d’un humour absurde tout à fait prometteur, qui m’a d’ailleurs incitée à poursuivre ma lecture. Le ton se veut d’emblée drôle et loufoque, et c’est d’ailleurs ce qui rend le démarrage si difficile à suivre. J’ai pour ma part été très vite conquise : comment résister à un roman dont l’un des personnages porte le nom de Lady Schrapnell ??

 

J’ai eu raison d’insister, puisque j’ai découvert au fil des pages un petit bijou de SF non futuriste, truffé de saillies drolatiques et d’innombrables références littéraires ou artistiques, de Jerome K. Jerome à Dorothy Sayers en passant par PG Wodehouse et les pré-raphaélites. Cet habile mélange d’humour et d’érudition aura largement comblé mes attentes, d’autant plus que l’intrigue exploite également des événements historiques avérés, comme par exemple le premier bombardement de Berlin à l’automne 1940, qui causa la fureur d’Hitler et l’incita à déclencher le Blitz, permettant ainsi à la RAF de se refaire une santé. L’issue victorieuse de la guerre est cependant remise en cause par le sauvetage du chat, lequel déclenche une succession de paradoxes temporels aux effets potentiellement dévastateurs, heureusement corrigés avec plus ou moins d’efficacité par le continuum espace-temps itself. J’ai beaucoup aimé toutes les explications “techniques” concernant les incongruités temporelles, ainsi que les études (tordues) menées par les historiens autour de la bataille de Waterloo.

 

Les voyages dans le temps ne sont cependant qu’un prétexte pour mettre en scène un enchaînement de situations loufoques et délicieusement décalées, tandis que nos universitaires s’acharnent à rétablir le bon déroulement de l’Histoire. Ned Henry, spécialiste de la deuxième guerre mondiale, encore déboussolé par le “time-lag” de son dernier voyage en 1940, se retrouve propulsé sans préparation dans l’Angleterre victorienne, époque dont il ne maîtrise ni les us ni les coutumes. Le choc des cultures sera rude, et l’ignorance candide du narrateur nous vaudra quelques scènes mémorables, ponctuées de nombreuses et ô combien réjouissantes digressions. L’humour est très anglais, bien que l’auteur soit américaine. Celle-ci fait preuve d’un sens de l’absurde très développé, et n’hésite pas à railler les petites habitudes de la superficielle aristocratie victorienne, dont le mode de vie est bien souvent idéalisé de nos jours (ce qui a le don de m’énerver). J’ai ri à plusieurs reprises, et j’ai surtout été constamment épatée par la qualité de l’imagination et des trouvailles de Connie Willis. Le roman part un peu dans tout les sens, mais cette profusion n’en demeure pas moins l’un de ses plus grands atouts.

 

Le rythme général est assez lent, mais Sans parler du chien propose néanmoins une intrigue de qualité, qui réserve son lot de surprises et de rebondissements. L’histoire est par ailleurs dotée d’un improbable Mc Guffin (les amateurs d’Hitchcock comprendront), les personnages recherchant inlassablement le mystérieux “bishop’s bird stump” de la cathédrale de Coventry, que l’édition française traduit par la “potiche de l’évêque”. Il faut ajouter à cela des personnages attachants et bien caractérisés, en particulier le couple formé par Ned et Verity. Des héros intelligents mais pas infaillibles, qui multiplient les gaffes involontaires avant de pouvoir enfin bénéficier d’un repos bien mérité… Les personnages secondaires sont nettement moins présents, mais j’ai beaucoup aimé les interventions certes caricaturales de Lady Schrapnell, insupportable despote, ainsi que celles de Warder, technicienne mal lunée et débordée de travail. Que dire de Baine, domestique victorien romantique et cultivé, ou de Tossie Mering, archétype de la jeune fille ignorante et futile ?

 

Je ne peux continuer la rédaction de ce billet sans évoquer les deux véritables “stars” du roman, à savoir l’adorable petite chatte Princess Arjumand, élément déclencheur de l’intrigue, ainsi que son comparse Cyril, bouledogue débonnaire et désopilant. Ned Henry découvre avec curiosité et appréhension cette étrange créature féline, dont le comportement ne cesse de le surprendre. Il faut dire que les chats sont éteints depuis belle lurette en 2058, et qu’il n’a jamais eu l’occasion d’en croiser ailleurs que dans les livres…

 

Vous l’aurez compris, j’ai adoré ce roman, parfois un peu long, souvent bavard, mais tellement jouissif ! Je ne peux que vous recommander de découvrir à votre tour ce bel exemple de SF historique, qui ne séduira peut-être pas les habitués du genre, mais que les amateurs de littérature anglaise et d’humour britannique apprécieront. Les néophytes confondent souvent SF et space-opera. Il est bon de rappeler que le genre ne se limite pas à la seule exploration de mondes futuristes ultra-technologiques, et que l’action des romans de science-fiction peut très bien se dérouler sur Terre et dans le passé, comme ici en 1888, avec de brèves incursions dans l’Angleterre du Blitz, et même (brièvement) au … Moyen Age !

 

Connie Willis m’a convaincue, et je lirai ses autres romans, à commencer par Doomsday Book (de l’avis général un peu moins bon que celui-ci), qui forme avec To say nothing of the dog un dyptique consacré aux voyages dans le temps de l’équipe d’historiens d’Oxford, et dans lequel on retrouve le personnage de Dunworthy. La “série” est complétée par les deux tomes de sa série Blitz : Black out, le premier volume, est déjà dans les starting-blocks sur ma liseuse, tandis que le deuxième, All Clear, est sorti il y a peu.

 
 

De la SF historique loufoque et intelligente comme on les aime, malgré quelques longueurs et autres imperfections. Un pur moment de bonheur ! Coup de coeur.

 

D’autres avis chez : Lili, SylLili Galipette, Karine, Manu

 

Découvrez également l’avis de Shelbylee sur Doomsday Book.

 

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Nouvelle participation au challenge Les Lieux Imaginaires et au Challenge Victorien d’Arieste.

 

 

16 thoughts on “To say nothing of the dog – Connie Willis

  1. Mais il a l'air excellent ce livre, j'adore son sujet. A ne jamais me tourner vers la SF, j'aurai pu ne jamais rencontrer cette histoire ! je le note de suite !

    1. Oui, oui, il faut le lire ! Bon, pour être honnête, je pense que c'est typiquement le genre de roman que l'on adore ou que l'on déteste, mais impossible de savoir sans avoir essayé. L'aspect SF est finalement assez discret, et c'est surtout l'humour qui prédomine.

  2. Un livre assez imposant ! Ni je l'adore, ni je le déteste ! il m'a surprise, je me suis amusée et je me suis ennuyée. C'est vrai qu'il faut le lire !!!

    1. Oui, j'ai lu ton billet. Ce roman est très dense, un peu fouillis, c'est ce qui fait à la fois sa force et son principal défaut.

  3. "Black Out" n'est pas orienté young adults. C'est un formidable roman historique sur la Grande-Bretagne en guerre, où les voyages dans le temps sont là aussi un prétexte. Hâte de lire la suite.

    1. Il me semblait pourtant avoir lu sur certains blogs que Black out ne s'adressait pas forcément au même public, mais tant mieux si ce n'est pas le cas ! Ce que tu me dis me donne encore plus envie de le lire.

  4. Décidément, les 70 premières pages semblent nous avoir toutes un poil embêtées. Mais on a eu raison de persévérer ! Je suis moi aussi curieuse de lire d'autres romans de l'auteur.

  5. Je l'ai lu il y a deux ans et j'avais adoré le côté délicieusement absurde et hilarant de ce roman. Plus récemment, j'ai dévoré le diptyque "Blitz", qui a été un gros coup de coeur et que je conseille vivement (en revanche ce n'est pas du tout de la YA. C'est moins drôle que "Sans parler du chien" mais c'est absolument captivant et Willis nous fait une peinture du Blitz tellement réaliste qu'on a l'impression d'y être !

  6. Je compte le lire très vite, surtout que j'ai lu un livre qui dézinguait les historiens, donc ça va faire du bien de les voir en presque héros !

    1. C'était La fille du temps de Joséphine Tey où sa conclusion est que les historiens sont tous des menteurs. J'aurais pu jeter le livre, mais il était à la bibli.

  7. Il m'a aussi énormément plu! J'adore cet univers et les petites absurdités qu'il comporte! Pour une potiche!! Et j'ai beaucoup aimé Domesday book. Beaucoup plus sombre.

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