La fin du monde a du retard – J.M. Erre

Buchet-Chastel, 2014, 401 pages

 

La première phrase :
En l’an 5115 du calendrier hindou, à quelque deux millions de centimètres du nord de Paris, protégé des extraterrestres, des betteraves et des Picards par des murs épais, un établissement de standing offrait à l’être en perte de repères de regarder le monde sous un angle neuf.

 

L’histoire :
Lundi. Plus que quatre jours avant la fin du monde. Les patients de la clinique psychiatrique Saint-Charles apportent la touche finale aux préparatifs d’un fabuleux concert, dont l’essentiel du programme musical sera assuré par un sosie de Johnny Hallyday (excusez du peu !). Parmi eux : Julius, trentenaire amnésique et animateur d’un blog paranoïaque, par l’intermédiaire duquel il tente d’ouvrir les yeux du commun des mortels, depuis trop longtemps prisonniers des mensonges perpétrés par les instigateurs d’un vaste complot d’envergure planétaire. Julius se sent investi d’une mission. Persuadé d’être surveillé par des individus aux motivations plus que douteuses, il s’évade de la clinique, entraînant avec lui la mystérieuse Alice, elle aussi amnésique et seule rescapée de son mariage (!). La jeune femme, désormais imperméable à toute émotion, suit sans aucune appréhension son nouveau compagnon sur les traces du Codex de Tirésias (contacter Julius pour plus d’informations). Traqués et menacés de toute part, les voici engagés dans une trépidante course-poursuite dans les rues de Paris, qui les conduira (peut-être) à libérer l’humanité du joug des odieux conspirateurs.

 

L’opinion de Miss Léo :

 

Hiiiiiiiiii, un nouveau J.M. Erre !!!!!!

  

Je pourrais dire… Oh,  Dieu ! Bien des choses en somme…
En variant le ton…
Par exemple… Tenez !

 

Hystérique Enthousiaste :

 

Drôôôôôle ! Drôôôôôôôle ! Drôôôôôôôôôle !

 

Racaille Dithyrambique :

 

Ouah, putain, comme il déchire trop sa race de boulette atomique ! Sa mère, j’le kiffe trop, le dernier J.M. Erre.

 

Pompeux Raffiné :

 

Ce roman est tout bonnement exquis. Souffrez, mesdames et messieurs, que je vous le recommandasse !
 

Niais Romantique :


(From Miss Léo to J.M. Erre) In vain have I struggled. It will not do. My feelings will not be repressed. You must allow me to tell you how ardently I admire and love your novels.

 

Beauf Musical :

 

Si tu aimes le J.M. Erre tape dans tes mains…
Si tu aimes le J.M. Erre tape dans tes mains…
Si tu aimes le J.M. Erre… Si tu aimes le J.M. Erre…
Si tu aimes le J.M. Erre tape dans tes mains !
 
Geek Klingonien :
 
mIm qo’ bertlham, ‘ach talent chaq j.m. erre *
(* La fin du monde a du retard, mais J.M. Erre a du talent ! >>>  Merci au traducteur Bing !)
 
Gotlibien :
 
Mâtin ! Quel roman !

 

Et maintenant, place à une vrai critique argumentée.
Chut ! Un peu de sérieux, s’il vous plait.

 

Je vais avoir du mal à me renouveler, puisque j’ai chroniqué Série Z il y a moins de deux semaines. Que dire de plus, si ce n’est que je suis une nouvelle fois impressionnée par la constance de l’auteur, qui construit d’un roman à l’autre une oeuvre d’une remarquable qualité ? Les recettes sont les mêmes, mais elles fonctionnent à merveille, et je ne suis pas prête de m’en lasser ! Mais où va-t-il chercher tout ça ?? J.M. Erre est, avec L.C. Tyler, le seul écrivain qui parvienne à m’arracher des éclats de rire. Sa prose est totalement irrésistible, et chaque paragraphe (ou presque) déclenche mon hilarité.

 

On retrouve dans La fin du monde a du retard ce savoureux mélange d’érudition et d’absurde, qui faisait déjà le sel des précédents romans de l’auteur. Ce dernier opus est comme ses prédécesseurs truffé de nombreuses références socio-culturelles, tantôt triviales (le cinéma d’action américain et la “sous-culture geek” sont au coeur de l’intrigue), tantôt philosophiques (le mythe de la Caverne de Platon est maintes fois évoqué). Derrière la farce loufoque pointe une critique pertinente des dérives de nos sociétés occidentales, plombées par le capitalisme et la mondialisation, ainsi que par la désinformation ambiante. Tout y passe, des nouveaux comportements liés à l’utilisation des smartphones au vide intersidéral des “reportages” proposés par de soi-disant journalistes, en passant par les déferlements d’hystérie collective suscités par le bug de l’an 2000 ou la fin du monde en 2012 (croyances irrationnelles largement relayées par les médias). Ces thématiques “sérieuses” sont bien sûr envisagées sur un ton exclusivement badin, ce qui ne remet nullement en question la justesse du regard porté par l’auteur sur ses contemporains.

 

La grande force de J.M. Erre est de ne jamais sacrifier l’histoire au profit de l’humour. La fin du monde a du retard est AUSSI un thriller paranoïaque façon Dan Brown (en bien meilleur, cela va de soi !), qui convoque tous les clichés du genre pour mieux les démonter ; les péripéties sont ainsi commentées, voire annoncées à l’avance, et l’on sent que l’auteur prend beaucoup de plaisir à jouer avec les codes d’un certain type d’oeuvres littéraires et/ou cinématographiques. Le roman est très rythmé, et les nombreux rebondissements entretiennent le suspense, le déroulement de la quête de Julius et Alice réservant par ailleurs quelques belles surprises au lecteur. Roman foutraque en apparence, La fin du monde a du retard n’en propose pas moins une intrigue qui tient la route, ainsi qu’une réflexion pleine de bon sens et de subtilité, le tout dans la joie et la bonne humeur. Car la principale qualité de ce récit qui ne se prend absolument pas au sérieux demeure évidemment son inénarrable loufoquerie. Certes, les procédés utilisés sont parfois un peu faciles, un peu répétitifs, et ce genre d’humour potache peut à terme générer une certaine lassitude. Je n’en suis heureusement pas encore là, et l’humour de J.M. Erre conserve pour moi tout son pouvoir de séduction. On frôle parfois le grand n’importe quoi, mais qu’est-ce que c’est bon !! A n’en pas douter, l’auteur s’amuse lui-même en écrivant de telles énormités, ce qui crée une réelle connivence avec le lecteur

 

Le festival commence dès l’exergue, qui m’a fait sourire :
“Que serions nous sans le secours de ce qui n’existe pas ?” (Paul Valéry)
“Qu’est-ce qu’on est con.” (François Valéry)

 

L’entrée en matière est comme toujours savoureuse (voir la première phrase au début de l’article), et la suite se révèle à la hauteur, malgré quelques petites baisses de régime, cependant bien vite oubliées. Julius et Alice se voient confrontés à d’innombrables incidents de parcours, et croisent une galerie de personnages hauts en couleur, ainsi qu’un horrible pigeon unijambiste (à n’en pas douter la star du roman !) :

 
Gaboriau, commissaire “presque retraité”, outré par le manque d’éducation de la jeunesse d’aujourd’hui… Ours, geek inoffensif (?), amateur de pizzas froides, de sabres lasers et heureux possesseur d’une statue en plastique grandeur nature à l’effigie du redoutable Darth Vader… King Chewbacca, hacker has-been passionné de jeux vidéos… Paparazzi aux trognes patibulaires… Men in black lancés sur la piste de Julius (lui-même complètement allumé)… “Survivants” de la fin du monde de 2012, créateurs d’une nouvelle civilisation dans les égouts de Paris…
 
Je me marre rien qu’en y repensant ! Quand je vous disais que l’auteur ne se prenait pas au sérieux (à la différence de son personnage principal, obnubilé par son combat contre les forces du Mal, incarnées ici par une poignée de méchants de pacotille)… Jouissif, déjanté, hilarant, surprenant : autant de termes qui me semblent caractériser à merveille ce dernier né des studios “J.M. Erre Prod.” (si après ça vous ne vous précipitez pas en librairie pour l’acheter, je ne réponds plus de rien). Je voulais vous en présenter quelques extraits, mais il me paraît impossible de choisir une phrase en particulier, étant donné que chaque page regorge de trouvailles et de saillies drôlissimes. Tant pis pour vous !

 

Cerise sur le gâteau : J.M. Erre, spécialiste du twist de dernière minute, est un auteur qui soigne ses fins, toujours surprenantes et parfaitement maîtrisées. Le lecteur n’est jamais déçu, ce qui est particulièrement appréciable (nombreux sont les romans interminables et frustrants, au dénouement décevant et/ou délayé dans de trop longs développements).Conclusion : lisez le !!!!!!!!!
 

 

Du grand J.M. Erre. En un mot : jubilatoire !

 

Un immense merci à Babelio, ainsi qu’aux éditions Buchet-Chastel pour ce beau cadeau !

 

Les avis généralement positifs de Cuné, Clara, Le Bouquineur.
 

17 thoughts on “La fin du monde a du retard – J.M. Erre

  1. (Babelio le proposait?)
    A part ça, tu n'as rien fumé, dis donc? Même sur la photo ton chat n'a pas l'air bien clair (pov' bête)
    Mon cri : je-le-veux.

  2. Effectivement, je ne sais pas qu'elle drogue tu as prise mais elle a l'air planante ! Trêve de plaisanterie, moi aussi j'aime JM Erre d'amour et je me prendrai bien une bonne ration de rigolade !

  3. Je pensais que ce roman n'était pas dans mon univers mais un tel humour ne se refuse pas. Et ta chronique donne envie. On a tous envie de se retrouver dans le même état que toi après lecture.

  4. A force de voir défiler ces romans sur ton blog (et défendus avec quel enthousiasme !!), je le note comme auteur à découvrir cette année !

  5. Ah Ah ! Ton billet m'a bien fait rire 🙂
    Et il m'a aussi donné envie de lire le bouquin !
    Je l'ajoute à ma liste. D'ailleurs je viens de lire une critique de 'Le mytère Sherlock' sur un autre blog que j'ai aussi ajouté à ma liste 😉

  6. Agréable surprise tout au long du roman
    Fin étonnante et détonante (sans jeux de mots) par rapport à l'ensemble du récit !

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