Titre original : Burning Paradise
Traduction (anglais) : Gilles Goullet
Denoël, Collection Lunes d’encre, 2013, 2014, 344 pages
La première phrase :
Tout se serait peut-être ensuite passé d’une autre manière et peut-être ne se serait-il rien passé du tout, si Cassie avait réussi à dormir cette nuit là.
L’histoire :
(je suis grave en retard dans la rédaction de mes chroniques, donc je pique le résumé de la quatrième de couverture)
Alors que l’Amérique se prépare à fêter les cent ans de l’Armistice de 1914, un siècle de paix mondiale, d’avancées sociales et de prospérité, Cassie n’arrive pas à dormir. Au milieu de la nuit, elle se lève et va regarder par la fenêtre. Elle remarque alors dans la rue un homme étrange qui l’observe longtemps, traverse la chaussée… et se fait écraser par un conducteur ivre. L’état du cadavre confirme ses craintes : la victime n’est pas un homme mais un des simulacres de l’Hypercolonie, sans doute venu pour les tuer, son petit frère et elle. Encore traumatisée par l’assassinat de ses parents, victimes sept ans plus tôt des simulacres, Cassie n’a pas d’autre solution que de fuir.
L’opinion de Miss Léo :
Il ne vous aura sans doute pas échappé que je commence à prendre goût à la SF, après avoir nourri pendant des années un certain nombre de préjugés vis à vis de ce genre avec lequel j’entretenais jusque là des relations pour le moins conflictuelles. J’essaye de combler peu à peu mes lacunes, et j’ai cette fois profité d’un partenariat avec les éditions Denoël pour découvrir le romancier canadien Robert Charles Wilson, auteur de plusieurs ouvrages salués par les critiques.
J’ai dans un premier temps été séduite par le contexte uchronique de ce roman, qui se déroule dans un XXIème siècle alternatif, en apparence très proche du nôtre. En apparence seulement : épargnée par les guerres et les conflits majeurs, l’humanité vit en paix depuis cent ans, et doit cette relative prospérité à la présence autour de notre planète d’une mystérieuse entité biologique extra-terrestre, qui contrôle l’ensemble des transmissions radio émises depuis la Terre. L’Hypercolonie (ainsi que l’ont baptisée les scientifiques) infiltre la société par le biais de simulacres plus vrais que nature, et tire profit de la relation symbiotique qu’elle entretient avec les activités humaines. Seuls quelques centaines d’individus réunis au sein d’une organisation confidentielle, la Correspondence Society, semblent toutefois avoir conscience de son impact sur le devenir des peuples.J’ai aimé découvrir par petites touches (trop) subtiles les caractéristiques de ce monde apaisé, dans lequel la Société des Nations continue d’exercer son rôle d’arbitre en 2014, et dont les technologies semblent pour l’essentiel moins évoluées que les nôtres. Les ordinateurs modernes et les armes nucléaires n’ont jamais vu le jour, et les télécommunications sont facilitées par la présence de la couche radio-réflective de l’atmosphère, rendant de ce fait inutile la construction de câbles de transmission ou d’antennes-relais. La sérénité de la vie sur Terre semble toutefois menacée par le comportement inquiétant des simulacres envoyés par l’Hypercolonie, qui semblent vouloir anéantir les membres de la Society.
Le concept était prometteur, et le début du roman plutôt accrocheur : on rentre tout de suite dans le vif du sujet, le style simple et imagé de Robert Charles Wilson se révélant plutôtefficace dans les premiers chapitres. La suite n’est malheureusement pas à la hauteur, et l’ouvrage s’essouffle rapidement. L’auteur finit par tourner en rond, visiblement peu inspiré par une intrigue terne et sans consistance. Celle-ci m’a par ailleurs semblé très répétitive, aussi bien dans la forme que dans le fond ; les personnages sont dans l’ensemble assez creux, et passent les trois quarts du livre à se remémorer des événements survenus sept ans auparavant, ou à faire le point sur leur maigres connaissances (oui, l’Hypercolonie est intelligente, non, elle n’a pas de sentiments ni de conscience, oui, ça sent le roussi pour les membres de la Society ayant survécu au massacre de 2007). Le roman souffre d’un manque de rythme flagrant, ce qui finit par générer un certain ennui (probablement dû au fait que l’essentiel de l’action se résume à d’interminables trajets en voiture à travers les Etats-Unis). Les rebondissements sont peu nombreux, et ne parviennent pas à surprendre le lecteur. J’ai pour ma part été déçue que l’auteur ne développe pas davantage la description et l’Histoire du monde alternatif créé pour les besoins de l’intrigue (l’aspect uchronique me paraît totalement sous-exploité). J’aurais aimé en savoir plus sur le pourquoi du comment, et je regrette que Robert Charles Wilson se soit contenté d’effleurer des thématiques dont le traitement approfondi aurait pu donner lieu à de passionnantes digressions. J’ai également eu la sensation que ce roman se voulait “tout public”, perdant par la même en densité et en profondeur.
Les personnages principaux (jeunes et moins jeunes) sont sympathiques pour la plupart, mais leur caractère est esquissé de façon bien trop superficielle pour que l’on puisse ressentir une quelconque empathie. J’ai cependant trouvé que la tante Nerissa se démarquait des autres protagonistes : ses réactions se révèlent finalement bien plus humaines et crédibles que celles de ses comparses. J’ai également aimé les nombreuses références à l’entomologie, l’organisation de l’Hypercolonie étant comparée à celle d’une ruche ou d’une fourmilière. Les derniers jours du Paradis aborde par ailleurs des questions intéressantes sur le libre-arbitre et la violence intrinsèque de l’être humain, qui auraient sans doute mérité d’être mieux exploitées.
Pour résumer : je ressors de cette lecture avec un sentiment mitigé. Robert Charles Wilson signe une uchronie distrayante, qui me semble toutefois manquer d’ambition. Les idées de base sont pleines de potentiel, mais très insuffisamment développées à mon goût, et l’intrigue souffre de quelques longueurs. Le dénouement est quant à lui trop rapide pour être totalement satisfaisant. J’ai lu de nombreuses critiques en demi-teinte de ce roman, qui ne semble pas être le meilleur de l’auteur (ce sont les fans qui le disent).
Petit détail sans importance pour terminer : la quatrième de couverture fait référence au Village des Damnés, ce qui me paraît totalement tiré par les cheveux (j’y vois surtout l’opportunité pour l’éditeur de faire la publicité d’un autre titre paru dans la même collection).
Un roman de SF aux thématiques prometteuses, dont le manque de rythme et d’ambition se révèle toutefois hautement préjudiciable. Frustrant !
Merci à Dana, des éditions Denoël (je suis relativement déçue par ce titre, mais cela ne m’empêchera pas de tenter d’autres romans de l’auteur, dont j’ai tout de même apprécié le style et les idées).
D’autres avis chez : Aaliz, Ly, Black Wolf, Lutinielle
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Nouvelle participation au Mois américain, organisé par Titine.
Je te suivrais sur un autre livre SF, où tu seras moins mitigée 🙂
Mieux vaut effectivement éviter celui-ci…
Contrairement à toi, je ne prend spas tellement goût à la SF !!! Après "MaddAddam", je vais attendre un peu avant de rouvrir un roman SF !
Je pense tout de même que certains romans de SF pourraient davantage te plaire, mais il y a tellement de bons livres à lire par ailleurs qu'il est effectivement inutile de se forcer !
Je ne suis pas SF et je me rappelle parfaitement du billet d'Aaliz , très argumenté… et TRÈS négatif ! Tu confirmes que je ne lirai jamais ce genre d'ouvrage.
J'ai découvert le billet d'Aaliz après avoir écrit le mien, et je me suis totalement retrouvée dans les arguments qu'elle avance ! Certaines oeuvres de SF sont tout de même bien plus abouties et intéressantes que ce roman décidément bien terne…
Je pense vraiment que Under the skin pourrait te plaire (puisque tu es dans ta période SF) … Quant à moi, c'est toujours à (très) petite dose donc je ne note pas ce titre !
Je l'avais noté, mais je ne crois pas qu'ils l'aient à la bibliothèque…
La lecture de ton billet me fait un bien fou et je m'y retrouve totalement. Je suis rassurée, ce n'est donc pas moi qui aie un problème avec la SF, ce livre est vraiment mauvais. Tu as entièrement raison pour la référence au "Village des damnés", je me demande bien ce que ça vient faire là, ça n'a rien à voir. ( c'est à se demander s'ils ont lu l'ouvrage …)
Je viens de lire 'La Horde du Contrevent" d'Alain Damasio. Pas facile à lire, mais punaise je me suis pris une claque. C'est plus Fantasy ou un roman d'aventure que de la SF, même s'il est classé dans cette catégorie.