Lecture commune avec Titine, Maggie et Shelbylee
Titre original : The Secret History
Traduction (américain) : Pierre Alien
Pocket, Plon, 1992, 706 pages
La première phrase :
La neige fondait dans la montagne et Bunny était mort depuis plusieurs semaines quand nous avons fini par comprendre la gravité de notre situation.
L’histoire :
Richard Papen quitte sa Californie natale pour rejoindre l’université de Hampden, Vermont. Contre toute attente, il est admis à suivre les cours de Julian Morrow, professeur de Grec ancien atypique et extrêmement sélectif, et rejoint ainsi un petit groupe déjà constitué de cinq étudiants, fonctionnant en vase clos et n’entretenant que peu de contacts avec les autres élèves du campus. Le jeune homme est fasciné par ses condisciples, dont l’entente harmonieuse et les relations fusionnelles ne cessent de l’émerveiller. Derrière les apparences idylliques se cache toutefois une sombre réalité… De l’amitié au meurtre, il n’y a qu’un pas, que Richard et ses nouveaux amis s’apprêtent à franchir allègrement !
L’opinion de Miss Léo :
Mise en garde préalable : ne vous fiez ni au titre français, ni à la quatrième de couverture, qui donnent une image assez trompeuse du roman (je sais que cela a gêné certaines de mes amies blogueuses, qui s’attendaient à tout autre chose, et ont par conséquent été déçues).
Point de mystère à élucider, de rebondissements inattendus ou de twist final spectaculaire dans ce Maître des illusions, à l’intrigue finalement très linéaire. Le meurtre de Bunny Corcoran est ainsi annoncé dès la première page, et les deux parties du roman s’attachent à en décortiquer les causes, les circonstances ainsi que les conséquences sur la vie des autres personnages. Cette “histoire secrète” (voir le titre original) nous est contée par Richard Papen, lequel nous livre sa version des faits (on peut d’ailleurs douter de sa sincérité).
Donna Tartt signe un roman élaboré et réfléchi, à l’atmosphère séduisante et soigneusement travaillée. Le maître des illusions appartient à un genre anglo-saxon que j’adore, à savoir celui du campus-novel ou de la chronique de moeurs estudiantine. L’intrigue se déroule dans une université champêtre de la côte est, où règne une ambiance quasi-intemporelle (j’ai longtemps eu du mal à savoir à quelle époque se déroulait le roman). Amitiés naissantes et soirées de débauche animent le quotidien de ces jeunes esprits influençables, entre lesquels se nouent parfois des relations de dépendance ou de fascination, comme c’est le cas au sein du petit groupe intégré par Richard. La romancière prend le temps de construire des personnages à la psychologie approfondie. Henry, Bunny, Francis et les jumeaux Charles et Camilla Macaulay constituent ainsi les figures marquantes d’un drame en deux actes : ces étudiants modèles (?), imprégnés de culture classique et conscients de leur supériorité intellectuelle (ils étudient le grec et les civilisations antiques avec une application soutenue), semblent un peu trop mûrs pour leur âge, ce qui génère très vite un sentiment de malaise. Le narrateur découvre des personnalités fascinantes, dont le snobisme et l’élitisme l’attirent inexorablement, au point de lui faire perdre tout discernement. Il convient d’ailleurs de remarquer que Richard Papen n’est pas un simple témoin, et prend une part active aux événements qu’il décrit (contrairement au Nick Carraway de Gatsby, qui reste extérieur à la tragédie qui se joue autour de lui).On prend un malin plaisir à suivre ces personnages détestables et odieux, qui se dévoilent peu à peu dans toute leur effrayante perversité. Le groupe fonctionne en autarcie, et développe ses propres codes et autres valeurs morales, se coupant chaque jour davantage des exigences de la vie en société. Donna Tartt dissèque des comportements profondément malsains et destructeurs, et l’on ne peut s’empêcher de ressentir une certaine tristesse devant un tel gâchis (amplifié par l’abus de drogues et d’alcool).
La tension monte progressivement, et le meurtre survient à la fin de la première partie, créant une nette rupture dans le récit. Les masques tombent, l’assurance de façade se fissure, les illusions volent en éclat. Les assassins ne montrent aucun remords, mais tremblent à l’idée d’être découverts. Me sont alors revenus en mémoiredes souvenirs d’autres oeuvres littéraires et cinématographiques, bâties selon le même schéma : An American Tragedy de Theodore Dreiser, ainsi que ses deux adaptations hollywoodiennes ; Crime et châtiment, revisité par Woody Allen dans son sublime Match Point. La deuxième partie consacrée à l’enquête et aux funérailles de Bunny est intéressante, mais à mon sens moins aboutie que la première. L’intérêt se dilue quelque peu, et le rythme s’essouffle dans les deux cents dernières pages. J’ai trouvé que les personnages devenaient parfois trop excessifs, et donc moins crédibles. Julian Morrow, énigmatique professeur de grec ancien, me semble quant à lui totalement sous-exploité. Il n’apparaît que brièvement, et rien ne semble justifier l’aura dont il bénéficie auprès de ses six élèves (je m’attendais à ce qu’il joue un rôle plus important dans le dénouement de l’intrigue).
Pour résumer : j’ai été séduite par l’écriture très fluide de Donna Tartt, bien que celle-ci ne soit pas toujours bien servie par une traduction souvent approximative (j’ai noté un certain nombre de maladresses). Le Maître des illusions est un excellent roman, qui comporte de très belles séquences, et je me suis régalée en le lisant, malgré quelques longueurs dans la dernière partie.
Un roman passionnant, malgré une dernière partie décevante. A découvrir !
Moi aussi, j'ai trouvé la deuxième partie plus longue, moins aboutie… Mais j'ai beaucoup aimé ( j'aime aussi le genre…). Je n'avais pas pensé à Match Point… Mais je note le livre de Dreiser ( j'en ai déjà un dans ma PAL). J'ai beaucoup aimé l'écriture avec plein de détails descriptifs sur la campagne, le ciel… et j'ai commencé le Chardonneret !
PS : Je n'ai pas fait attention aux maladresses de traduction, en revanche, il y en a plus dans Le chardonneret… J'ai carrément abandonné un livre de L. Penny à cause de ça.
Je rejoins totalement ton point de vue dur ce livre, nos billets sont très proches. Je n'ai en revanche pas mentionnée le fait que l'attention se diluait sur la fin mais j'aurais pu !
Il va falloir que je me décide à la lire cette dame!
Un classique, avec une atmosphère vraiment particulière…j'ai adoré et malheureusement je trouve que Donna Tartt n'a pas fait mieux depuis…
Je l'ai emprunté, hâte de le lire du coup!
Très beau billet qui me donne envie de ressortir mon exemplaire, égaré dans ma bibliothèque depuis 20 ans ! ;-(
j'ai tenté par 3 fois de le lire sans jamais dépasser la 50e page. Bon je retenterai encore 🙂
Une lecture que j'avais appréciée.
Il faut décidément que je découvre cette auteur. J'aurais bien commencé par ce titre-ci, mais comme j'ai déjà "Le petit copain" dans la PAL, ce sera plutôt celui-là je pense.
Toujours pas lu Donna Tartt mais ce titre me tente beaucoup !
J'ai eu grand plaisir à lire ce roman quand j'étais étudiante ! J'aime beaucoup aussi le genre du campus-novel 😉
La synthèse n'est pas la plus grande qualité de Donna Tartt, c'est sûr 🙂 Je garde un excellent souvenir de ce titre, alors que je n'ai pas accroché avec "Le petit copain" et "Le chardonneret".
J'avais lu et adoré ! Une vraie claque.
J'avais adoré ce livre ! Une vraie claque.
Lu il y a des années. Je me souviens avoir aimé malgré quelques impressions de longueur 🙂