Attention, ça va être long ! On inspire profondément, et hop ! C’est parti !!!
Avant-propos : Me, the King and I
Je ne suis pas fan de Stephen King. J’ai certes lu sans déplaisir une petite dizaine de ses romans dans les années 90, mais je n’ai jamais été totalement convaincue par son univers, chacune de ces lectures me laissant sur un sentiment contrasté de fascination teintée d’ennui.
La prose du romancier américain se caractérise surtout (de mon point de vue) par de regrettables longueurs et redondances, ainsi que par un style médiocre (encore plus exécrable en version française !), qui nuisent à l’efficacité de ses intrigues. J’ai par exemple trouvé Ca interminable, et les adaptations cinématographiques de Carrie, Misery et surtout Shining m’ont toutes semblé bien plus abouties que les romans dont elles étaient issues, leurs réalisateurs respectifs parvenant à ne garder que le meilleur pour éliminer le superflu.
Je dois cependant admettre que le natif du Maine déploie de belles qualités d’écriture, tout en faisant preuve d’une imagination débordante (une combinaison gagnante qui explique sans doute l’ampleur de son succès et de son pouvoir d’attraction). Il existe de fait une “patte” Stephen King, qui rend ses romans facilement identifiables. Ce que j’aime tout particulièrement chez cet auteur, c’est la façon dont il parvient à nous immerger dans le quotidien de petites villes fictives du Maine, dont les bâtiments, les institutions et les habitants nous sont décrits avec moult détails. Chaque personnage est doté d’un passé, d’une histoire, et l’on sent une réelle affection de l’auteur pour les créatures (humaines) qui peuplent ses romans, qu’il s’agisse d’adolescents en proie aux moqueries de leur bullies et/ou à la violence de leurs géniteurs, de romanciers à succès en panne de créativité, ou encore d’individus lambda occupant diverses fonctions au sein de leur communauté. Le lecteur découvre une Amérique provinciale, où se côtoient anti-héros intellectuels et “bouseux” puritains mal dégrossis. La crédibilité des personnages constitue à mon sens l’une des plus grandes forces de l’oeuvre de Stephen King, le fantastique et l’horreur surgissant toujours dans un environnement banal et profondément réaliste.
King maîtrise également à merveille le thème de l’écrivain, motif récurrent dans l’ensemble de son oeuvre. Cet auteur prolifique peut même devenir franchement brillant lorsqu’il parle de création littéraire et d’inspiration : on le sent alors animé par une réelle passion, qui ne peut que susciter la sympathie, quels que soient les défauts de ses romans. C’est pourquoi je ne peux m’empêcher de continuer à en lire, bien que j’éprouve souvent quelques difficultés à les terminer (contrairement à beaucoup de lecteurs, je préfère nettement les scènes d’installation de l’intrigue aux scènes purement horrifiques, qui m’ennuient et ne me font pas peur du tout).
Tout ça pour dire que j’ai eu envie de m’y remettre, après plus d’une décennie de sevrage. J’ai choisi de débuter ma “redécouverte” de l’auteur par deux “classiques”, lus respectivement à l’automne 2014 et pendant l’été 2015. Bag of Bones et ‘Salem’s Lot sont de bons crus, qui illustrent à merveille les différents aspects évoqués ci-dessus. C’est pourquoi j’ai choisi de vous en parler vite fait dans un même billet, que je publierai à l’occasion du challenge Halloween.
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Bag of Bones (Sac d’os)
Scribner, Simon & Schuster, 1998, 752 pages
La première phrase :
On a very hot day in August of 1994, my wife told me she was going down the Derry Rite Aid to pick up a refill on her sinus medicine prescription – this is the stuff you can buy over the counter these days, I believe.
L’histoire :
L’écrivain Mike Noonan vit seul et souffre du syndrome de la page blanche depuis le décès accidentel de son épouse Johanna. Hanté par de sinistres cauchemars, harcelé par son éditeur, il se réfugie à contrecoeur dans sa maison de vacances, espérant y retrouver l’inspiration. Mike fait connaissance avec la population locale, et découvre parallèlement que Jo avait entrepris peu de temps avant sa mort des recherches sur le trouble passé de la vieille demeure, dans laquelle ne tardent pas à se produire des événements étranges.
L’écrivain Mike Noonan vit seul et souffre du syndrome de la page blanche depuis le décès accidentel de son épouse Johanna. Hanté par de sinistres cauchemars, harcelé par son éditeur, il se réfugie à contrecoeur dans sa maison de vacances, espérant y retrouver l’inspiration. Mike fait connaissance avec la population locale, et découvre parallèlement que Jo avait entrepris peu de temps avant sa mort des recherches sur le trouble passé de la vieille demeure, dans laquelle ne tardent pas à se produire des événements étranges.
L’opinion de Miss Léo :
Bag of Bones est un roman mystérieux, dans lequel le fantastique s’immisce par petites touches. Stephen King explore le thème de la maison hantée, et la résidence secondaire de Mike et Johanna Noonan, baptisée Sarah Laughs par ses propriétaires, constitue un hommage avoué au Manderley de Rebecca. L’ouvrage ne se réduit cependant pas à une simple histoire de fantômes. Roman d’amour, mais aussi roman sur le deuil et le désespoir : Bag of Bones est tout cela à la fois, et derrière la simplicité apparente de l’intrigue se dissimule une réelle profondeur.
J’ai été totalement happée dès l’entrée en matière, et la première partie du récit m’a beaucoup plu. Le personnage principal est intéressant, bien caractérisé, et sa dérive psychologique est parfaitement rendue par l’auteur, qui développe comme à son habitude des figures attachantes, à la personnalité fouillée. Bag of Bones est un roman peuplé de femmes qui souffrent et de veufs inconsolables, guère épargnés par la violence physique ou morale de l’existence. Les fantômes de Sarah Laughs incarnent les blessures et les démons intérieurs de ces êtres malmenés par la vie, qui ne trouveront le repos que lorsque justice aura été rendue. L’atmosphère est tendue à souhait, et je reconnais avoir ressenti quelques délicieux frissons, moi qui suis pourtant difficilement impressionnable (j’ai un coeur de pierre, c’est là mon moindre défaut).
Le romancier n’évite cependant pas les écueils précédemment cités, et l’on peut comme souvent regretter une légère baisse de rythme dans la deuxième partie, que j’ai trouvée trop délayée, parfois plombée par quelques longueurs superflues. On n’échappe pas non plus à quelques scènes d’action un peu grotesques, lesquelles font sûrement partie du cahier des charges inhérent à ce type d’ouvrage, mai qui m’ont légèrement gâché le dénouement d’une intrigue jusque là très sobre et très bien menée. Stephen King parvient néanmoins à garder jusqu’au bout le contrôle de son histoire, et n’en fait pas trop dans l’horreur, ce qui explique pourquoi je me suis (beaucoup) moins ennuyée qu’à l’accoutumée.
Un chouette roman, pour lequel j’éprouve de la sympathie, et dont le côté “intimiste” m’a particulièrement séduite.
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‘Salem’s Lot (Salem)
Doubleday, Edition illustrée, 1975, 470 pages
La première phrase :
Almost everyone thought the man and the boy were father and son.
L’histoire :
Ben Mears revient dans sa ville natale, pour y écrire son nouveau roman. Il envisage dans un premier temps de s’installer à Marsten House, mais découvre que la vieille maison abandonnée, dans laquelle il connut jadis une expérience étrange et traumatisante, vient tout juste d’être rachetée par un énigmatique Mr Straker, en affaires avec un certain Barlow. Ben prend donc ses quartiers chez une accueillante logeuse, et commence à fréquenter la jeune et séduisante Susan Norton, qui ne reste pas insensible au charme de l’écrivain. La vie suit son cours, mais la petite ville de Salem se retrouve bientôt confrontée à une succession de disparitions mystérieuses et autres événements inexplicables, qui mettent la population locale en émoi.
L’opinion de Miss Léo :
‘Salem’s Lot est le deuxième ouvrage de l’auteur, et se déroule presque intégralement à Jerusalem’s Lot, petite ville fictive du Maine à laquelle il sera par la suite fait référence dans Shining, Simetierre, Dolores Claiborne ou Dr Sleep.
Autant le dire tout de suite : il s’agit d’un roman très réussi ! Encore un personnage d’écrivain solitaire, encore une petite communauté décimée par de sombres événements. Tous les personnages sont bien croqués, et Stephen King prend le temps de nous faire découvrir chacun d’entre eux. La ville bascule peu à peu dans l’horreur, mais cette dernière est à peine visible, et la menace (latente) est rarement montrée dans toute sa monstruosité. L’hommage à Dracula est évident, et l’on peut voir dans ‘Salem’s Lot une relecture contemporaine de l’oeuvre de Bram Stoker, même si le roman puise également son inspiration chez d’autres auteurs anglo-saxons, telle la redoutable Shirley Jackson (pour être complètement honnête, je n’ai encore rien lu d’elle, mais j’en ai plusieurs dans ma PAL).
J’ai été très agréablement surprise par ce récit fort distrayant, subtil à sa manière, et en même temps redoutablement efficace. Stephen King signe un roman sombre et sobre, bien dosé, intégrant juste ce qu’il faut de folklore vampirique. Je n’ai pas ressenti les longueurs habituelles, et je ne me suis à aucun moment ennuyée durant ma lecture (ce qui mérite d’être souligné). L’atmosphère est macabre à souhait, et l’étau se resserre inexorablement autour des principaux protagonistes, qui courent tout droit à la catastrophe.
Sans nul doute l’un des meilleurs romans de King !
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Bilan
Cette redécouverte de l’auteur s’étant révélée plutôt positive dans les grandes lignes, il n’est pas exclu que je tente à nouveau l’expérience dans un futur proche. Dans un style très différent, j’aimerais beaucoup lire 11/22/63 et Under the Dome. A suivre…
Tiens, on me parle beaucoup de Stephen King en ce moment. Ça doit clairement être l'ambiance Halloween. Je note quelque part. Un jour, qui sait…
J'ai mis Salem au programme de mes lectures ce mois-ci. Je passe vite sur la fin de ton billet. Je n'ai pas trop envie d'en savoir trop encore. Mais je repasserai.
Je n'ai lu que Docteur Sleep et je n'ai pas aimé, j'ai trouvé la langue très relâchée.
J'ai en général du mal avec le fantastique, celui qui cherche à toute force à faire peur au lecteur, mais j'ai beaucoup aimé 22/11/63 justement parce qu'il y en a peu et que le voyage dans le temps c'est sympa. Son écriture a l'air basique efficace c'est sûr, mais sache qu'il a écrit un livre sur sa façon d'écrire, et c'était passionnant (Ecriture, Mémoires d'un métier)
Note : et les photos du chat? ^_^)
"Sac d'os" est pour moi un des meilleurs King, quant à "Salem", je l'ai lu aussi mais un peu plus oublié : il m'a moins marquée. Perso, je n'apprécie pas le King horrifique avec zombies et tout, mais bien la tension dramatique, l'angoisse d'où naissent la peur et le malaise.
Lu son précédent sur l'assassinat de Kennedy qui ne m'avait pas emballé.
Tu sais que je ne suis pas fan. Du tout. Non mais regarde ces couvertures, elle fichent tellement la trouille qu'elles ne me donneront jamais envie d'ouvrir les bouquins !
Il faudra que je relise Salem's lot. Je l'ai lu il y a une quinzaine d'année, quand j'étais à fond dans ma période vampires et je l'avais trouvé complètement decevant. Et comme je ne m'en souviens plus trop, autant lui donner une deuxième chance.
3eme essai (relou blogger aujourd'hui)
Je disais que je note Salem'lot (d'ailleurs je veux bien le titre en français à l'occasion…à moi que ça m'ait échappé dans ton billet …ou c'est Salem tout court?).
Bref, avant tout, je dois dire que les couvertures de King me font hyper peur, car je n'ai, comme toi, pas de coeur mais pas de nerfs non plus (tu vois le boulet).
Ca fait longtemps que je veux tenter cet auteur pour être moins inculte, même si j'espère ne pas être trop chochotte (j'aime en tous les cas les points de départ de ses histoires).
Beau billet! Je vais me commander ces deux romans. Je viens tout juste de poster in billet pour Halloween aussi sur Stephen king et Shining que je compare à l'oeuvre de Richard Matheson, la maison des damnés. Je suis d'accord certains passages de ses romans (pour ne citer que Shining que je découvre à peine) est superflu. Par contre j'ai trouvé qu'il n'y avait pas trop de scènes, juste ce qu'il faut pour te faire peur et le reste se concentre davantage sur le suspens. Je viens de finir The haunting of Hill house de Shirley Jackson, un roman d'atmoshère un peu inquiétant et aux frontières du fantastique. Je pense que je lirai bags of bones en premier, les histoires de vampires m'intéressant moins en ce moment.
J'espère que Salem n'est pas le meilleur roman de l'auteur 🙂 , car je découvre Stephen King, et j'ai été vraiment convaincu: j'espère pourvoir retrouver les mêmes qualités dans d'autres de ses livres. Comme toi, ce ne sont pas les scènes horrrifiques qui ont le plus retenues mon attention, même si, n'est-ce pas?, elles sont nécessaires à l'histoire. J'ai trouvé ce portrait d'une Amérique provinciale au bord de l'implosion très convaincant.
J'avoue que j'ai lu beaucoup de SK pendant mon adolescence mais je ne puis vraiment plus supporter son style médiocre que tu évoques ( gros mots, abus de points de suspension etc…). J'avoue que ça ne m'attire plus. SAUF Salem ! Tu as réussi à me convaincre de le lire !