My Cousin Rachel – Daphne Du Maurier

Un bébé est caché dans cette image. Saurez-vous le retrouver ?

 

Virago Modern Classics, 1951, 356 pages
Lecture commune avec mes copines TitineElizaClaire et Emjy.

 

La première phrase :
They used to hang men at Four Turnings in the old days.

 

L’histoire :

 

Angleterre, début du XIXème siècle. Orphelin depuis l’enfance, Philip Ashley grandit sous la tutelle de son cousin Ambrose, de vingt ans son aîné. Tous deux mènent une existence paisible et rangée dans la vaste demeure familiale, jusqu’au jour où Ambrose décide contre toute attente d’épouser Rachel, qu’il rencontre lors d’un voyage en Italie. D’abord dépité et incrédule, Philip ne tarde pas à recevoir d’étranges lettres de son cousin, lequel semble soupçonner sa femme de bien sinistres desseins. Philip embarque alors pour Florence, et apprend à son arrivée la mort récente d’Ambrose, des suites d’une longue maladie. Point de Rachel à l’horizon, celle-ci ayant quitté la ville le jour précédent. Furieux contre cette dernière, et fermement décidé à venger la mort de son unique parent, le jeune homme rentre en Cornouailles, où la veuve ne tarde pas à le rejoindre.

 

L’opinion de Miss Léo :

 

Vous ai-je déjà dit à quel point j’aimais Daphne Du Maurier ? Chaque incursion dans l’univers de cette grande dame de la littérature britannique est pour moi un ravissement, bien que je sois encore loin d’avoir lu la totalité de son oeuvre. Dernière découverte en date : cette fameuse Cousine Rachel, autour de laquelle je tournais depuis des années, sans d’ailleurs vraiment savoir de quoi il s’agissait. C’est autour d’une bière d’un verre de vin d’un cocktail d’une San Pellegrino (Damned !) (Mon fils, j’espère que tu me remercieras plus tard !) que les copines susnommées et moi-même avons d’un commun accord décidé de nous plonger dans ce petit bijou de noirceur, publié au début des années cinquante par une romancière au sommet de son art. J’ai pour ma part été très agréablement surprise, l’intrigue se révélant très différente de l’idée que je m’en faisais au départ (je ne sais pas pourquoi, mais j’imaginais plutôt un roman de cape et d’épée et/ou d’aventures avec naufrageurs et contrebandiers, dans la lignée de Jamaica Inn, sur lequel mon avis a toujours été mitigé).

 

My Cousin Rachel est un roman psychologique subtil et ambigu, qui n’en finit pas de semer le doute dans l’esprit du lecteur, et figure à n’en pas douter parmi les oeuvres les plus abouties de l’écrivain. Le (remarquable) chapitre d’ouverture annonce clairement la couleur, installant d’emblée une atmosphère très sombre, pour ne pas dire totalement glauque. Nous faisons la connaissance de Philip, narrateur immature et insupportable, dont les sentiments peu nuancés sont avant tout guidés par l’amour filial qu’il porte à son cousin et tuteur Ambrose, avec lequel il mène une paisible existence campagnarde. Il y a quelque chose de pathétique dans la relation exclusive que le jeune homme entretient avec son mentor, et l’on ressent d’emblée un certain malaise en découvrant le mode de vie de ces vieux garçons oisifs et un peu lourdauds, que l’on pourrait aisément qualifier de misogynes.Cette situation “idyllique” aurait pu perdurer pendant encore quelques décennies, mais voici qu’une femme surgit et sème la zizanie, à la manière du grain de sable venant gripper le fonctionnement d’une machine aux rouages bien huilés. Rachel incarne l’élément perturbateur, et Philip la perçoit instantanément comme une menace. La mort soudaine d’Ambrose n’est pas de nature à apaiser les sentiments du jeune héritier, qui se promet de se montrer ouvertement désagréable avec la veuve. Et pourtant… Rien ne se passera comme prévu !
 
On s’interroge pendant tout le roman sur la fiabilité du témoignage de Philip. Quel crédit doit-on accorder au récit de ce jeune homme sans expérience, aveuglé par des préjugés et des désirs souvent puérils ? Philip juge constamment le comportement des autres à l’aune de ses obsessions personnelles, lesquelles se révèlent pour le moins fluctuantes… Il passe ainsi du mépris à l’amour puis à la haine en un clin d’oeil (une vraie girouette !), et n’écoute les conseils d’autrui (notamment ceux de sa jeune voisine Louise, un personnage clairvoyant que j’aime beaucoup) que dans la mesure où ceux-ci semblent compatibles avec sa propre interprétation des faits. Il n’est par conséquent pas en mesure de nous offrir autre chose qu’une vision biaisée de la réalité, constituant néanmoins le seul point de vue disponible pour le lecteur.
 
Je ne vous dirai pas grand chose de Rachel, si ce n’est qu’il s’agit d’un personnage fascinant. Qui est-elle vraiment, et quelles sont ses motivations ? Philip a-t-il raison de s’en méfier ? A-t-elle épousé Ambrose pour son argent ? La romancière refuse de trancher, et laisse un grand nombre de questions sans réponse, ne levant jamais totalement l’ambiguité. Au lecteur de se forger son opinion !
 
To put it in a nutshell :Un décor familier (la campagne anglaise, un manoir de Cornouailles)… Des thématiques chères à l’auteur de Rebecca (la place de la femme dans la société, la vie de couple)… Des tranches de vie quotidienne, pouvant parfois sembler insignifiantes, mais qui contribuent à tisser la toile dans laquelle les personnages principaux se retrouvent inexorablement pris au piège… My Cousin Rachel n’est pas un roman d’action (il ne se passe pas grand chose pendant de nombreuses pages), et on ne peut pas véritablement parler de suspense en ce qui concerne le déroulement de l’intrigue, mais Daphne Du Maurier n’en maintient pas moins une tension psychologique permanente, qui produit son petit effet sur le lecteur. J’ai trouvé le dénouement remarquable, et la dernière phrase glaçante à souhait.

 

Petit chef d’oeuvre de noirceur, par une romancière experte en manipulation. Coup de coeur !

 

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Nouvelle participation à l’événement A year in England, organisé par mon amie Titine.

 

6 thoughts on “My Cousin Rachel – Daphne Du Maurier

  1. Un excellent Daphné du Maurier que j'ai eu grand plaisir à découvrir également. Je n'ai rien à rajouter à ton billet, tu as tout dit : le doute quant au récit de Philip, l'ambiguïté de Rachel, l'ambiance glaçante donnée par l'ouverture et qui est confirmée par la fin. Elle est forte Daphné, très forte !

  2. Le livre avec lequel j'ai découvert Du Maurier. Un personnage fascinant que cette Rachel, je suis d'accord avec toi. Et j'ai aimé n'avoir aucune réponse concrète à la fin. A chacun de se faire sa propre idée sur cette femme et son comportement.

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