Vernon Subutex T.1 – Virginie Despentes

Le Livre de Poche, Grasset, 2015, 429 pages

 
La première phrase :

Les fenêtres de l’immeuble d’en face sont déjà éclairées.

 

L’histoire :
(Attention, roman totalement impossible à résumer ! Je me contenterai donc d’une présentation très sommaire.)
Paris, 2006. Vernon Subutex perd son emploi, suite à la fermeture de son magasin de disques. Sa vie sociale et amoureuse en prend un sacré coup, d’autant plus que ses amis bientôt quinquagénaires se mettent brusquement à décéder les uns après les autres. Expulsé de son appartement pour défaut de paiement, il squatte chez des potes, mais finit malgré tout par se retrouver à la rue.
 

 

L’opinion de Miss Léo :

 

Je n’ai guère de sympathie pour Virginie Despentes, dont je doute fortement que les précédents romans puissent me plaire, tant ceux-ci semblent à mille lieues de mes préoccupations et de mes goûts littéraires. Je n’étais pas très attirée non plus par celui-ci, mais les avis enthousiastes de certaines collègues blogueuses, ainsi que la sortie récente du troisième tome ont attisé ma curiosité, au point que j’ai fini par me le faire offrir pour mon anniversaire.Je reste néanmoins sur une impression mi-figue mi-raisin.
 
Principal intérêt de ce roman : le style. C’est déjà pas mal, me direz-vous… J’ai été très agréablement surprise de ce point de vue là, puisque j’ai été happée dès les premières pages par le souffle dévastateur d’une écriture moderne, nerveuse et sans concession. Virginie Despentes se montre virtuose dans le maniement de cette langue orale, pleine de verve et de vivacité, qui parvient à esquisser en peu de mots la complexité d’un personnage ou d’une situation. Ce premier tome est construit comme une longue digression, qui nous donne à découvrir une impressionnante galerie de portraits, la romancière consacrant de longs paragraphes à chacun des personnages côtoyés de près ou de loin par Vernon. Je vous mentirais si je vous disais que je n’ai pas pris de plaisir à la lecture de ces tranches de vie, tout au long d’un récit ma foi fort bien mené.
 
Virginie Despentes livre une chronique vivante et corrosive de la vie moderne, qui dresse un état des des lieux lucide de la société française, dont elle dénonce les contraintes, les dérives et les excès. Vernon Subutex (le roman comme le héros éponyme) est toutefois trop parisien pour convaincre réellement. Tous les personnages sont drogués, et la plupart évoluent dans le milieu très glauque des médias, du show-biz (bas de gamme), du cinéma, du porno ou du rock. Les figures marginales croquées par Virgine Despentes ne sont guère attachantes, et s’apparentent davantage à des archétypes qu’à des êtres de chair et de sang. Il en résulte une comédie de moeurs certes brillamment construite, mais étrangement désincarnée. L’intérêt pour Vernon (peut-être le personnage le plus “normal” du lot) est progressivement dilué à force de digressions ; dommage que l’auteur ne nous laisse pas davantage de temps pour apprivoiser son personnage principal !
 
Reste malgré tout un bon roman, mais sûrement pas le chef d’oeuvre universel annoncé. L’écriture est percutante, mais la mécanique du récit finit par sembler artificielle après quelques centaines de pages. Le propos est acerbe, et pas toujours bienveillant, contrairement à ce que j’ai pu lire ici où là. De nombreux jugements sont portés en filigrane. On est en droit de trouver cela répétitif et excessif, d’autant plus que le fil conducteur de l’intrigue est ténu, ce qui rend le récit assez décousu. Je l’ai tout de même lu d’une traite, par curiosité, mais aussi parce que le rythme hypnotique imposé par Virginie Despentes incite à tourner rapidement les pages pour découvrir la suite. Il n’est en revanche pas certain que Vernon Subutex s’inscrive durablement dans ma mémoire : je l’oublierai vite, et je ne me précipiterai pas sur la suite. J’ai apprécié la démarche, mais je ne me suis pas sentie bousculée, et je n’ai pas non plus ressenti l’inconfort évoqué par certains lecteurs.

 

Une comédie de moeurs moderne et rondement menée, qui ne m’a pas totalement convaincue. 
A lire pour se faire sa propre opinion.
 

6 thoughts on “Vernon Subutex T.1 – Virginie Despentes

  1. J'aime beaucoup Virginie Despentes depuis longtemps, je trouve que le regard qu'elle pose sur la société est souvent juste, et son style me plait. Je comprends que l'on n'adhère pas, et j'ai toujours trouvé que ses récits perdaient un peu de force sur la longueur… Son essai "King Kong Theory" m'avait pour le coup vraiment bouleversée.

  2. je lis Virginie Despentes depuis 15 ans, et je trouve ses romans de mieux en mieux écrits et de plus en plus accessibles. J'ai apprécié Vernon Subutex (un peu déçue par le tome 3, mon préféré est le tome 2), mais j'aime surtout son livre précédent "Apocalypse Bébé".

  3. Je n'ai jamais lu Despentes (et ne comptais pas le faire), mais les avis dithyrambiques sur cette série m'avaient convaincue. Pour le coup, tu es la première dont je lis un avis modéré.

  4. Je n'ai jamais lu Virginie Despentes mais je me dis qu'il faut vraiment que je lise ce roman pour me faire un avis, étant donné que tout le monde la considère comme un génie…

  5. Bonsoir Miss Leo, c’est aussi en lisant quelques billets flatteurs sur Vernon Subutex que je me suis décidée à lire au moins le premier tome et moi aussi j’ai aimé le style mais j’avoue avoir abandonné ma lecture à la page 252. Je n’ai pas pu continuer sans forcément une raison précise. Peut-être que je m’attendais à lire le roman plus vite. C’est un peu fastidieux. Je reprendrai peut-être ma lecture plus tard. Bonne soirée.

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