Titre original : The knife of never letting go (Chaos Walking Book One)
Traduction (américain) : Bruno Krebs
Folio SF, 2009/2015, 531 pages
La première phrase :
La première chose que vous apprenez quand votre chien se met à parler, c’est que les chiens n’ont pas grand chose à dire.
La quatrième de couverture :
Dans un mois, Todd Hewitt aura treize ans. Dans un mois, il deviendra un homme. Il sera le tout dernier garçon de Nouveau Monde à atteindre l’âge adulte puisque, depuis la guerre contre les Spackle, les femmes ont été tuées, sans exception, par le virus du Bruit ; le Bruit, omniprésent, qui ne vous laisse pas en paix, jamais. Jusqu’au jour où Todd trouve un endroit où le Bruit se tait.
L’opinion de Miss Léo :
J’ai découvert sur le tard ce roman encensé par les critiques et les lecteurs, autrefois classé en littérature jeunesse, désormais réédité en collection “adultes” par les éditions Folio, en même temps que les deux autres tomes de la trilogie du Chaos en marche. J’apprécie de plus en plus les bonnes dystopies, aussi ai-je accepté de le recevoir lorsqu’il m’a été proposé en service presse.
Tout commence par une citation de Middlemarch, exergue du meilleur goût qui soit. On rentre très vite dans le vif du sujet, en compagnie d’un jeune narrateur s’exprimant dans une langue à la syntaxe et à l’orthographe souvent approximatives. Cette bien étrange originalité stylistique est d’ailleurs l’une des spécificités du roman de Patrick Ness : ce dernier bâtit une langue inventive et dynamique, faite de mots déformés ou créés de toute pièce, qui agace autant qu’elle séduit. Todd écrit comme il parle, et les cinquante premières pages sont à cet égard assez déroutantes, même si l’on finit par s’habituer aux tournures de phrases et au vocabulaire. Il faut également se familiariser avec la présence d’animaux doués de parole, à l’image du chien Manchee, dont les interventions sommaires traduisent avec humour le caractère brave et fidèle.J’ai beaucoup aimé l’univers dans lequel se déroule l’intrigue. Todd grandit dans un monde sans femme, ces dernières ayant toutes succombé au virus du Bruit transmis par les Spackle (non, je ne vous dirai pas qui sont les Spackle). Les hommes ont quant à eux acquis la capacité d’entendre les pensées d’autrui, et vivent désormais dans un brouhaha incessant : les mots qui déferlent en flux continu trahissent les pensées intimes et souvent incohérentes de chaque individu, avec les conséquences que l’on imagine. C’est dans ce contexte maussade que Todd se voit contraint de fuir Prentissville, afin d’échapper à la violence de cette oppressante bourgade totalitaire, peuplée d’individus peu engageants (à l’exception de ses tuteurs Ben et Cillian). La voix du couteau est avant tout un roman d’apprentissage, le jeune héros appréhendant peu à peu la complexité et la cruauté d’un monde dont il ne connaît que les contours, la vérité lui ayant été soigneusement dissimulée par les adultes de Prentissville. Todd n’est pas au bout de ses surprises, et les rencontres qu’il va faire en chemin vont passablement ébranler ses certitudes.
Patrick Ness signe une dystopie efficace, à la construction solide et aux thématiques passionnantes. Amitié, humanité, manipulation et luttes de pouvoir sont au coeur de ce récit intrigant et sans concession, original dans le fond comme dans la forme, qui souffre toutefois de quelques longueurs. Les scènes d’action sont redondantes et assez prévisibles, et il m’est arrivé de ressentir une pointe d’ennui en les lisant (j’ai nettement préféré les scènes explicatives, qui nous révèlent progressivement les origines et les caractéristiques de la société décrite). Autre bémol : le personnage principal est assez fade, et son côté naïf m’a vite lassée.
Mon avis sur ce roman est donc assez mitigé, malgré mon attachement à l’univers et au contexte imaginés par l’auteur. J’en attendais davantage, et je ne crois pas que je lirai la suite, bien que rien ne soit résolu à l’issue de ce premier tome, qui se termine sur un pas si insoutenable cliffhanger.
Une dystopie originale et bien menée, qui m’a toutefois laissée sur ma faim.
Livre chroniqué dans le cadre d’un partenariat avec les éditions Folio (désolée pour le retard).
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Nouvelle participation au challenge Petit Bac d’Enna, catégorie Objet.
J'ai aimé le premier, enfin, sans enthousiasme excessif, comme toi… Mais le deuxième m'est tombé des mains, j'aurais préféré que le premier se suffise à lui même.
Ah, ton avis mesuré m'intéresse. Je dois lire depuis des siècles cette dystopie, vantée par beaucoup. Mais quand on lit énormément de dystopies Young Adult (puisqu'au départ, c'est plutôt destiné à un public jeune), on est peut-être moins bluffé par celle-ci.
Il avait l'air pas mal, pourtant.