Editions Buchet-Chastel, 2012, 326 pages
Les premières phrases :
Sherlock Holmes pour les Nuls (extrait)
H comme Holmésien : Mammifère bibliophile vouant une passion à Sherlock Holmes. Les spécialistes – à l’université et à l’hôpital – distinguent plusieurs catégories d’holmésiens. Les niveaux 1 à 3 désignent les amateurs du détective anglais créé par Arthur Conan Doyle en 1887. Ils aiment à lire et à relire les quatre romans et cinquante-six nouvelles qui forment le “Canon” holmésien, scrutent la sortie en librairie des innombrables pastiches consacrés à Holmes, et ne rechignent pas à s’aventurer dans les enquêtes des concurrents, Hercule Poirot ou Harry Dickson. Pour résumer, mis à part une tendance un peu pénible à s’exclamer à tout propos “Elémentaire, mon cher Watson”, ils sont inoffensifs.
Les niveaux 4 à 6 correspondent à des holmésiens initiés. Pour ces adulateurs du Canon, la frontière entre la fiction et la réalité se trouble par moments. On se met à privilégier le texte original en anglais, on se lance dans des analyses textuelles, on adhère à une “société holmésienne”, on suit des colloques. Bref, on commence à fatiguer ses proches.
Enfin, les holmésiens de niveaux 7 à 10 forment une caste à part. Pour eux, les choses sont claires : Sherlock Holmes a bel et bien existé et Conan Doyle n’était que l’agent littéraire du docteur Watson, biographe du détective londonien. A ce stade, la fiction n’existe plus, les écrits de Watson sont parole d’Evangile, l’étude des textes sacrés devient le centre de toutes les préoccupations, on s’attaque à des énigmes métaphysiques fondamentales comme la date de naissance de Holmes ou le nombre de mariages de Watson.
Et, dans le meilleur des cas, on essaie de prendre ses pilules tous les matins.
L’histoire :
Vallée de Meiringen, Suisse.
Sale journée pour Luigi Rigatelli. Ce petit homme joufflu et moustachu, directeur de l’hôtel Baker Street, a en effet de quoi s’inquiéter. Il a quitté son établissement trois jours auparavant, avant que celui-ci ne se retrouve coupé du monde, bloqué par une avalanche consécutive à une tempête de neige. Rigatelli culpabilise d’avoir ainsi abandonné ses hôtes, pour lesquels il avait pourtant concocté un week-end de rêve. Et quels hôtes ! L’hôtel Baker Street, situé à proximité des chutes de Reichenbach (tiens, tiens), a l’immense honneur d’accueillir une dizaine d’universitaires, tous spécialisés dans l’étude de Sherlock Holmes, et candidats à l’obtention de la première chaire d’holmésologie de la Sorbonne, que le célèbre (et sénile) professeur Bobo attribuera à l’issue du colloque. Un poste qui excite bien des convoitises…
C’est donc en compagnie des pompiers Poséidon et Flipo que Rigatelli regagne son hôtel en ce joli mardi de mai. Les trois hommes, bientôt rejoints par le commissaire Lestrade, s’étonnent de l’absence des universitaires. L’inspection des chambres révèle d’inquiétantes traces de lutte.
” Où étaient passés les participants au colloque ?”
” Où étaient passés les participants au colloque ?”
“Tout se passa à merveille jusqu’à ce que Flipo réclame de la charcuterie. Car il fallut alors ouvrir la chambre froide, où il y avait du saucisson vaudois, de la viande des Grisons, et du cadavre d’universitaire.
Dix corps bien alignés. De quoi calmer les envies de charcutaille.” (page 22)
La suite ? Rendez-vous en page 23 !!!!!
L’opinion de Miss Léo :
Le mystère Sherlock est un roman hilarant, découvert récemment sur le blog de Titine (à qui j’ai très vite appris à faire confiance en matière de goûts littéraires). J’ai apprécié cette lecture légère et totalement farfelue, qui se moque gentiment des universitaires, tout en rendant hommage à la littérature policière à énigme. On pense évidemment aux Dix Petits Nègres d’Agatha Christie, auxquels l’intrigue en huis clos nous renvoie de façon explicite. Le récit est par ailleurs émaillé de nombreuses références à l’oeuvre de Sir Arthur Conan Doyle (normal, me direz-vous).
Les universitaires sont délicieusement odieux et puérils, et ne reculent devant rien pour ridiculiser leurs collègues et se voir attribuer la fameuse chaire d’holmésologie. Chacun de ces pitoyables intellectuels possède ses petites manies, mais tous semblent atteints de la même folie, prétendant détenir LA vérité sur le célèbre détective. Les théories holmésiennes présentées par chacun des participants au colloque sont ridicules à souhait, et l’on rit beaucoup au cours de cette histoire, où se côtoient joyeusement marmotte tueuse et bimbo siliconée, sur fond de meurtres grotesques et de manuscrits mystérieux.
Florilège de citations glanées au hasard :
“Gros plan sur le sourire de [Bobby] McGonaghan (“The Bobby-Smile”, marque déposée), un mélange savamment étudié de carnassier, de tracassier et de putassier.” (page 54)
“Gros plan sur le sourire de [Bobby] McGonaghan (“The Bobby-Smile”, marque déposée), un mélange savamment étudié de carnassier, de tracassier et de putassier.” (page 54)
“Le professeur Jorge Rodriguez est connu dans le monde universitaire pour sa laideur physique qui frôle le trouble sur la voie publique et lui confère un potentiel de séduction proche de celui des mollusques viscéroconques du Mozambique.” (page 63)
“Absorbée par la contemplation d’une grosse pipe noire, Eva von Gruber faisait sa Joconde, regard mystérieux et sourire monalisé au collagène. Sa robe à l’échancrure estivale dévoilait une stratégie argumentative toute personnelle pour l’obtention de la chaire d’holmésologie.” (page 72)
Un texte aux allures de grosse farce, qui se déguste le sourire aux lèvres. Le style de J.M. Erre, très drôle et très agréable à lire, oscille constamment entre humour et érudition, sans jamais basculer dans la vulgarité. Le récit permet également de s’interroger sur la frontière parfois bien mince entre réalité et fiction : à quel moment un personnage (ici Sherlock Holmes) échappe-t-il à son créateur pour devenir objet de culte et de fantasmes ? Un personnage historique réel et un personnage historique fictif sont-ils si différents ? Le propos est loin d’être bête.
Vous l’aurez compris, Le mystère Sherlock est un roman que je recommande chaudement et sans réserve, le remède idéal pour lutter contre la morosité ambiante.
“Absorbée par la contemplation d’une grosse pipe noire, Eva von Gruber faisait sa Joconde, regard mystérieux et sourire monalisé au collagène. Sa robe à l’échancrure estivale dévoilait une stratégie argumentative toute personnelle pour l’obtention de la chaire d’holmésologie.” (page 72)
Un texte aux allures de grosse farce, qui se déguste le sourire aux lèvres. Le style de J.M. Erre, très drôle et très agréable à lire, oscille constamment entre humour et érudition, sans jamais basculer dans la vulgarité. Le récit permet également de s’interroger sur la frontière parfois bien mince entre réalité et fiction : à quel moment un personnage (ici Sherlock Holmes) échappe-t-il à son créateur pour devenir objet de culte et de fantasmes ? Un personnage historique réel et un personnage historique fictif sont-ils si différents ? Le propos est loin d’être bête.
Vous l’aurez compris, Le mystère Sherlock est un roman que je recommande chaudement et sans réserve, le remède idéal pour lutter contre la morosité ambiante.
Un coup de coeur et une belle découverte. Merci Titine !
————————————–
Je m’aperçois avec plaisir que cette lecture contribue également au Challenge Petit Bac, catégorie Personnage Célèbre.
Ah il me tente follement, dès qu'il est sorti je l'ai repéré car j'ai beaucoup aimé mes précédentes lectures de cet auteur. Voici ici celui qui m'avait énormément fait rire, je te le conseille:) : "Prenez soin du chien"(http://myloubook.hautetfort.com/archive/2007/10/28/de-l-art-de-schmogler.html)
Le tout dernier a un thème tout juste fait pour moi, j'ai hâte, surtout après avoir lu ton billet et celui de Titine.
Merci pour le lien ! Je n'en ai décidément pas fini avec cet auteur.
Je compte bien le lire !!!! J'avais adoré Série Z ! Alors il me tarde de lire celui-là !
Et il me tarde de lire Série Z !
Aaah ! il me tente beaucoup celui là. Je l'avais déjà repéré dans Lire et chez Titine … En même temps, j'ai beaucoup de mal à résister à un roman autour de SH lol !
Ce livre a l'air bien sympa . Bises
Il me tente depuis sa sortie celui-ci. Il faut vraiment que je craque et me l'offre. Je suis sûre qu'il me fera beaucoup rire et j'espère que je ne reconnaitrais pas trop dans le portrait de ces holmésiens un peu frappés^^
Je me retrouve totalement dans ton billet. Cela faisait bien longtemps que je n'avais autant ri en lisant un livre ! Un vrai régal ! Maintenant il nous faut lire le reste de l'oeuvre de JM Erre.
Eh bien j'en apprends sur Sherlock et si en plus c'est hilarant, je le note ! J'aime cette maison d'éditions qui plus est !