1974 – David Peace

Titre original : Nineteen Seventy Four
Traduction (anglais) : Daniel Lemoine
Rivages/Noir, 1999, 396 pages

 

La première phrase :
– C’est toujours pareil : ce con de Lord Lucan et des putains de corbeaux sans ailes, fit Gilman, souriant, comme si c’était le plus beau jour de notre vie.

 

L’histoire :
(extrait de la quatrième de couverture)
Après Jeanette Garland et Susan Ridyard, la jeune Clare Kemplay vient de disparaître sur le chemin de l’école. Son cadavre sera bientôt retrouvé dans une tranchée sur un chantier. Nous sommes en 1974, dans la région de Leeds. Noël approche. Edward Dunford, reporter à l’Evening Post, est encore un néophyte qui fait ses premières armes dans l’ombre du journaliste vedette de la rédaction, Jack Whitehead. Au volant de la vieille voiture de son père, il sillonne les routes de l’Ouest du Yorkshire à la recherche d’indices susceptibles d’éclairer les meurtres de ces trois fillettes. Au début, il croit seulement chasser le scoop, mais plus il enquête, plus il découvre que bien des choses sont pourries au royaume du Yorkshire : policiers corrompus, entrepreneurs véreux, élus complices…

 

L’opinion de Miss Léo :

 

Il ne vous aura pas échappé que j’ai d’ores et déjà pris un retard conséquent sur l’écriture de mes billets consacrés au Mois Anglais. J’avais pourtant (et pour la première fois) fait l’effort de lire quelques livres en avance, afin de ne pas me retrouver complètement débordée à l’entame d’un mois de juin généralement chargé en activités et obligations professionnelles diverses. J’étais pleine d’espoir… mais Roland-Garros est passé par là, et ma motivation bloguesque en a pris un sacré coup. On ne se refait pas !Je n’ai cependant pas (encore) renoncé à vous parler des quelques romans anglais dévorés en mai. Nous sommes le 4 juin, et je commencerai donc par ce surprenant roman noir, lu il y a quelques semaines en prévision de la journée consacrée aux polars. Une fois n’est pas coutume, j’ai décidé de faire court. Dont acte.
 
1974 est le premier tome d’une tétralogie consacrée au Yorkshire. David Peace ne ménage pas son lecteur, qui doit dans un premier temps s’approprier le style très particulier du romancier. L’écriture est hachée, sèche et percutante, et la narration elliptique demande une attention de tous les instants. On se perd un peu dans les méandres de l’intrigue, contée sur un mode hypnotique par le jeune journaliste Edward Dunford, lequel traîne ses guêtres le long des routes du Yorkshire, à la recherche du scoop qui lui permettra de percer définitivement dans sa profession (la salle de presse est décrite comme un repaire de vipères aux dents longues, où chacun doit lutter pour gagner sa place au sein d’un écheveau de rivalités mesquines). Les principaux protagonistes de l’histoire interviennent sans avoir été présentés au préalable, ce qui rend parfois leur identification laborieuse. David Peace donne peu de clés, et laisse son lecteur naviguer à vue, au prix de réels efforts.
 
Edward Dunford est un personnage profondément antipathique, qui plus est obnubilé par ses propres intérêts. Le jeune homme enquête sans aucune empathie sur la disparition de plusieurs fillettes, espérant tirer profit de ses découvertes. Il fouine un peu partout, bien aidé en cela par les révélations de quelques informateurs peu scrupuleux, et se retrouve plongé malgré lui au coeur d’une vaste affaire de corruption, de pots de vin et de détournement d’argent, impliquant politiciens et entrepreneurs immobiliers de la région (tous pourris !). Et si la disparition de Clare Kempsey n’était que le dommage collatéral de sinistres machinations financières ?
 
David Peace signe un roman violent, très sombre, sans jamais tomber dans le racolage bas de gamme. L’intrigue n’est absolument pas manichéenne, et les personnages sont loin d’être angéliques : difficile d’identifier les “gentils” et les “méchants”, quand tous semblent rongés par l’ambition, ou au contraire totalement désabusés et résignés. Point de héros altruiste et désintéressé dans 1974 ! Nul ne semble réellement soucieux de faire éclater la vérité, encore moins de défendre la cause des victimes. La dernière partie du récit nous réserve une succession de scènes âpres et haletantes, dont le réalisme chirurgical fait froid dans le dos.
 
Le roman dans son ensemble n’est pas toujours facile à lire, l’auteur n’hésitant pas à bousculer son lecteur privé de repères, mais j’ai vraiment beaucoup aimé ce premier tome, et je me réjouis à l’idée de découvrir les suivants ! Je ne suis en revanche pas sûre que la plume de David Peace fasse l’unanimité. A vous de voir…
 
Un roman noir étonnant, sombre concentré de noirceur humaine. A lire !
 
—————————————-
 

 
Première participation au Mois Anglais 2015.
 

5 thoughts on “1974 – David Peace

  1. Nous en avions parlé au salon du livre et tu sais à quel point j'ai envie de le lire. Ton billet enthousiaste ne fait que renforcer mon envie de me plonge dans la série de David Peace.

  2. ouaich ouaich ouaich!!!
    Bon tu sais moi aussi je m'étais hyper organisée pour ce mois anglais et puis voilà, j'ai une demi-douzaine de livres à chroniquer et je sais que je ne ferai pas un billet sur plus de la moitié (comme d'hab quoi).

    Sinon, je pense que je vais passer mon tour sur ce polar noir, parce que
    1: bon les meurtres de fillettes en ce moment j'évite,
    2: il a l'air violent et tu sais que je suis une chochotte de province qui pleure dès que ça saigne un peu,
    3: j'ai besoin d'avoir foi dans le genre humain en ce moment alors que des personnages moyennement bienveillants et tous égoïstes, bon bah tu vois quoi…
    Des bises Léo
    (même quand tu fais "concis", je te rassure, c'est du solide quand même)

  3. Votre blogue est vraiment intéressant et je me décide enfin à vous écrire un petit mot afin de souligner la publication d’un premier roman : Nauranéüs, le messager des Ancêtres. J'essayai de trouver un bon livre à lire dans le style fantastique et je suis tombée sur ce roman de plus de 440 pages. La couverture m’a intriguée et le résumé de l’histoire encore plus.

    « Jennifer Saint-Cleerc reçoit un petit sac en toile bleue en héritage. Son contenu — deux clés anciennes — la propulse dans une aventure au cours de laquelle d’étranges coïncidences se succèdent et bouleversent son existence. Les découvertes historiques de la jeune femme viendront-elles remettre en question l’Histoire officielle? Jennifer prendra-t-elle conscience à temps de sa véritable identité? Que contient cette sagesse? »

    Je considère important de faire connaitre le travail des nouveaux auteurs qui ne sont pas nécessairement passés par la grande roue des éditeurs en place depuis la nuit des temps. Parmi les derniers livres parus en 2015, j’ai adoré ce roman. J’ai passé un excellent moment en compagnie de personnages détestables, sympathiques, étranges, aux émotions instables, enfin, il y a pour tous les gouts. L’écriture est fluide et de qualité. C’est un bon livre à lire pendant les vacances et je vous conseille fortement (que vous ayez lu le roman ou non) à oser vous inscrire (gratuitement) aux secrets de l’auteure (http://www.lagriffont.com/7secrets/). Elle y dévoile quelques secrets de la conception de son roman, des confidences sur le travail de romancier, et aussi des anecdotes et des photos.

    Encore bravo pour la qualité de votre blogue et bonne continuation.

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *