Titre original : Eeny Meeny
Traduction (anglais) : Elodie Leplat
Les Escales Noires, 2014, 364 pages
La première phrase :
Sam dort. Je pourrais le tuer là, maintenant.
L’histoire :
Southampton. Sam et Amy se réveillent au fond d’un bassin de plongeon vidé de son eau, après avoir été drogués par une inconnue qui les avait pris en stop au retour d’un concert. A côté d’eux : un flingue… et un téléphone portable… dont la sonnerie ne tarde pas à retentir. Leur ravisseuse leur expose la situation en ces termes : que l’un d’entre eux abatte l’autre, et il sera instantanément libéré. Autrement dit : il faut tuer pour vivre ! Un terrible sentiment d’angoisse s’abat sur les deux tourtereaux, condamnés à mourir de faim au fond de leur trou crasseux.Les jours passent… L’un des deux survit, et raconte son histoire à la police, qui refuse d’abord de croire à ce témoignage extravagant, malgré l’état de délabrement physique avancé dans lequel se trouve la jeune victime. C’est alors que deux avocats disparaissent dans les mêmes circonstances. Convaincue d’avoir affaire à un serial-killer de la pire espèce, le commandant Helen Grace se lance sur les traces du monstre, au risque d’y laisser quelques plumes…
L’opinion de Miss Léo :
Grosses ficelles et gros sabots.
Encore un polar largement surévalué, dans lequel je ne vois pas grand chose à sauver. J’y suis allée sans a priori, toute disposée à me laisser séduire, mais le miracle n’a pas eu lieu (j’en conçois d’ailleurs une certaine amertume). M.J. Arlidge a longtemps travaillé pour la télévision avant de se mettre à l’écriture : peut-être aurait-il mieux fait de s’abstenir ! Am Stram Gram est un concentré de tout ce que je déteste dans les thrillers bankables de ces dernières années : intrigue racoleuse et capillotractée, saupoudrée d’interrogations pseudo-existentielles visant à donner un semblant de contenu philosophique au roman ; personnages ridicules et stéréotypés ; tension maintenue artificiellement par un découpage grossier ; dénouement trop vite expédié…
L’auteur ne nous épargne aucun cliché : le commandant de police au passé tourmenté (une femme blessée dans un univers très masculin) ; le flic divorcé qui noie son chagrin dans l’alcool ; les plaisanteries salaces des policiers macho ; la taupe ; la journaliste indécente, qui ne respecte rien ni personne ; la victime affamée et assoiffée, qui boit son urine et avale les asticots qui pullulent dans sa blessure infectée après trois jours de captivité ; les flash-backs en italique censés expliquer les actes de la meurtrière… On a parfois l’impression de lire le scénario d’un épisode de série télé policière bas de gamme, comme il en existe des dizaines. L’intrigue se veut originale, mais se révèle surtout ultra-répétitive, et l’incompétence crasse du commandant Helen Grace (destinée à devenir le personnage principal d’une série dont trois volumes ont déjà été publiés en moins d’un an) a de quoi laisser songeur…
Les idées ne sont pas forcément mauvaises, mais demeurent à mon sens très mal exploitées. Plus grave : l’accroche “coup de poing” du roman (deux victimes condamnées à s’entretuer pour espérer survivre) ne donne lieu à aucune réflexion, et ne constitue finalement qu’un artifice littéraire malsain, vite survolé du reste, dont le but principal n’est autre que d’appâter le chaland à coup de dilemne moral insoluble et de scènes spectaculairement dégradantes. Que serait un futur best-seller thriller sans son personnage de tueur sadique au MO spectaculaire ? La quatrième de couverture annonce “un roman qui fait froid dans le dos”, mais je n’ai ressenti aucune tension ni angoisse en le lisant (on est loin de l’atmosphère très sombre de certains thrillers).La construction du récit m’a il est vrai laissée de marbre. Le suspense est maintenu artificiellement par des chapitres très courts, qui permettent à M.J. Arlidge de multiplier les points de vue, sans aucune logique ni cohérence. Je n’ai par exemple pas compris pourquoi Amy et Sam (les deux premières victimes) s’exprimaient à la première personne dans les chapitres 1 et 3 : cela n’a aucun sens ! Le dispositif mis en place par l’auteur est efficace pendant un temps, mais tourne vite en rond, et l’issue du roman se révèle très décevante, pour ne pas dire complètement bâclée (d’autant plus que la sophistication des crimes ne me semble pas coller avec la personnalité de la tueuse). Am Stram Gram est un ouvrage qui se lit très (trop ?) rapidement (moins de trois heures en ce qui me concerne), et dont on ne peut s’empêcher de tourner les pages, davantage pour connaître le dénouement que par réel intérêt pour l’intrigue (j’ai souvent été tentée de sauter des paragraphes, mais je me suis fait violence pour tout lire, afin de pouvoir vous en parler en toute sérénité).
Peut-être aurais-je été davantage “scotchée” par cette histoire si j’avais été plus facilement impressionnable (je suis d’ailleurs une anomalie, puisque la plupart de ceux qui l’ont lue semblent l’avoir appréciée)… Je remarque néanmoins que la plupart des “jeunes” auteurs de polar peinent à renouveler un genre déjà largement exploré, et compensent leur manque d’inspiration par des intrigues inutilement extravagantes et tordues, ne générant aucune émotion durable chez le lecteur. Pour ne rien arranger, la qualité littéraire n’est pas non plus au rendez-vous (ce n’est pas ce que je recherche en premier lieu dans un roman, mais encore faut-il que l’histoire fonctionne, ce qui n’est pas le cas ici). Je note toutefois qu’il s’agit d’un premier roman, aussi serais-je tentée d’accorder le bénéfice du doute à cet écrivain débutant. Sait-on jamais…
Un thriller tout juste divertissant, qui ne me laissera pas un souvenir impérissable.
Livre lu et chroniqué dans le cadre de ma participation au club de lecture des Escales.
Je ne l’avais pas demandé, craignant justement de ne pas y trouver mon compte, mais j’en ai tout de même reçu un exemplaire dédicacé. Je dois dire que je ne suis pour l’instant guère convaincue par la collection “noire” des Escales, éditeur que j’apprécie beaucoup par ailleurs (voir mon billet sur Tolstoï, oncle Gricha et moi, ainsi que celui à venir sur Dissidences, que j’espère publier avant la fin de la semaine).
Je suis assez bon public (j'en lis peu, sans doute la raison) et ai un bon souvenir d'une lecture dans cette collection. J'ignorais qu'il existait un club de lecture, mais ça vaut mieux, je préfère quand même choisir mes lectures. ^_^
J'étais très bon public il y a encore quelques années, mais j'en ai tellement lu que j'ai fini par me lasser !
Bon, si ce n'est pas impérissable, je vais en lire d'autres avant 😉
Honnêtement, il y a mieux à lire…
Au moins, ça a le mérite d'être clair! J'avais vu de bonnes critiques sur la blogo mais je vois tout à fait les défauts que tu pointes. Donc, si un jour il croise ma route, je saurais qu'il ne faut pas trop en attendre.
Je n'attendais rien d'autre qu'un livre divertissant, mais j'ai été déçue par le fond comme par la forme (et pourtant, je ne suis pas très exigeante).
Je vais essayer de le lire pour le mois anglais, j'espère passer un meilleur moment que toi !
Je l'espère pour toi, mais j'ai des doutes ! 😉
"survévalué " ? Je n'en ai pas entendu parler sur les blogs il me semble. Mais à quel thriller bankable fais tu allusion ,? Je ne reconnais pas ces clichés !
J'ai lu pas mal de bonnes critiques en anglais, et le livre est bien noté sur les réseaux sociaux de lecteurs. Les quelques blogueuses françaises qui l'ont chroniqué l'ont bien aimé. Donc, oui, je le trouve surévalué (mais ce n'est que mon avis) ! Les thrillers bankables qui me viennent en premier à l'esprit sont les romans de Donato Carrisi (que je trouve très mauvais). Quant aux clichés, ce sont surtout des clichés de séries télé et de mauvais téléfilms…
J'ai été un peu moins cinglante mais je reconnais aussi certaines situations incohérentes.