Les règles d’usage – Joyce Maynard

Titre original : The Usual Rules
Traduction (américain) : Isabelle D. Philippe
Editions Philippe Rey, 2003/2016, 472 pages
Livre reçu en service-presse (merci Arnaud !).

 
La première phrase :

L’origine de son nom, Wendy en connaissait bien l’histoire.

 

L’histoire :

 

Brooklyn, septembre 2001. Wendy a treize ans, et vit dans une joyeuse famille recomposée, en compagnie de sa mère Janet, de son beau-père Josh, et de son petit frère Louie. En proie aux affres de l’adolescence, elle voit sa vie changer du tout au tout lorsqu’un avion percute la tour dans laquelle Janet exerce le métier de secrétaire de direction. Commence alors pour Wendy une longue errance psychologique, qui la conduira notamment à chercher des réponses auprès de son père biologique, résidant en Californie.

 

L’opinion de Miss Léo :
 
Je traînais mes guêtres sur le site des éditions Philippe Rey, quand un menu détail attira soudain mon attention. Là, parmi les romans à paraître lors de la future Rentrée Littéraire, trônait fièrement un nouveau roman de Joyce Maynard, laquelle figure depuis longtemps en très bonne place dans la liste de mes auteurs “chouchous”. Comment diantre avais-je pu passer à côté de cette information ??! Et dire que personne ne m’avait prévenue !

 

Il s’agit en réalité d’un roman publié en 2003, qui n’avait encore jamais été traduit en français (arrêtez-moi si je me trompe). Le drame intime de Wendy permet à la romancière d’évoquer avec sobriété l’après-11 septembre, en s’attachant surtout à montrer l’impact humain de la tragédie. Comment faire face au deuil et à la perte d’un proche ? Toute jeune adolescente, l’héroïne peine à trouver un sens à sa nouvelle vie. Plus rien ne sera jamais comme autrefois, mais il lui faudra malgré tout rebondir pour continuer à aller de l’avant. La quête existentielle de Wendy sera ponctuée de nouvelles rencontres, qui lui permettront progressivement de se reconstruire et de surmonter la crise.

 

J’ai une nouvelle fois été conquise par l’exquise délicatesse de la plume de Joyce Maynard, même s’il m’a fallu quelques dizaines de pages pour m’habituer au fait que les dialogues soient directement inclus dans le texte, sans guillemets ni tirets (j’ai longtemps cru que ce parti pris narratif serait un frein à ma lecture). Le récit effectue de fréquents allers-retours entre passé et présent, les souvenirs de Wendy ressurgissant sous forme de courtes séquences témoignant de la douceur d’une époque révolue, à laquelle la jeune fille songe avec tendresse, regret et nostalgie. Son petit frère Louie, quatre ans seulement, peine quant à lui à mettre des mots sur ce qu’il ressent, et réagit à sa manière à l’absence de sa mère.

 

Je suis depuis longtemps friande de romans américains traitant de l’adolescence (ceux-ci avaient ma préférence lorsque j’avais moi-même une douzaine d’années, avec une mention spéciale pour les ouvrages de Judy Blume, toujours pertinents et très ancrés dans le quotidiens). Joyce Maynard parvient à rendre de façon très pertinente les tourments de Wendy, et signe un récit d’une grande justesse, dont la simplicité se révèle extrêmement émouvante. Peu de romans seront parvenus à me bouleverser à ce point (j’ai un coeur de pierre, pour ceux qui ne le sauraient pas encore, et les films me touchent généralement davantage que la littérature) ! L’auteur de Labor Day se montre particulièrement talentueuse lorsqu’il s’agit de créer des personnages crédibles et attachants, et parvient à installer un sentiment de proximité entre le lecteur et les différents protagonistes, tous positifs et attachants, malgré leurs imperfections. Ceux-ci sont parfois paumés, irresponsables et/ou maladroits dans leurs relations avec autrui, mais tous s’efforcent de bien faire, malgré des situations individuelles parfois compliquées.
 

 

Les règles d’usage est avant tout un roman sur de la famille (thème récurrent chez Joyce Maynard). Il y est question de relations parents/enfants, de fratries, d’amour filial et fraternel, de paroles qui dépassent parfois notre pensée, d’abandon, de vie commune et de compromis. La famille de Wendy m’est extrêmement sympathique, qu’il s’agisse de Janet (la mère) ou de Josh (le beau-père). La romancière construit un univers qui me parle, et décrit des personnages dans lesquels je peux aisément me reconnaître, que ce soit en termes de choix de vie, d’éducation ou de sensibilité artistique. La musique, la danse et la peinture occupent une place importante dans le roman, et rythment l’errance et les souvenirs de Wendy. Cela peut paraître anecdotique, mais l’idée de la clarinette rouge reçue en cadeau par la jeune adolescente m’a beaucoup plu (j’aime trouver ce genre de détails insolites dans mes lectures) !

 

Pour résumer : je suis tombée sous le charme de cette chronique familiale pertinente et intelligente, qui véhicule une émotion intense, sans pour autant tomber dans le piège du mélodrame. Les thèmes abordés ne sont pas toujours très gais, mais le roman se veut résolument optimiste, et se montre confiant en la résilience de l’être humain. La patte de l’auteur est très reconnaissable d’un roman à l’autre, bien que ceux-ci soient dans l’ensemble très différents (encore que…). On ne retrouve pas dans Les règles d’usage le cynisme et l’ironie mordante de To die for (peut-être mon préféré à ce jour), mais la pudeur et la sensibilité de Joyce Maynard sont ici remarquablement mises en exergue, dans un récit truffé de références diverses, qui ancrent l’intrigue dans une époque bien déterminée (pas de doute, nous sommes bien en 2001).

 

Un roman très émouvant. A lire !

 

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Nouvelle participation au Mois américain de ma copine Titine.

 
 
 
 
 

9 thoughts on “Les règles d’usage – Joyce Maynard

  1. Voici une auteur qu'à l'évidence je ne lis pas assez. Comme Laura Kasischke et Megan Abbott, elle s'intéresse à l'adolescence dans ce qu'elle a de plus noir et conflictuel, ce qui devrait donc m'intéresser.

  2. j'ai hâte de le lire!!! moi aussi j'adore les romans d'ados et les romans d'apprentissage (cf The Girls) – moi aussi j'aimais beaucoup Judy Blume, mais aussi Susie Morgenstern, et surtout Cynthia Voigt!!

  3. J'hésite beaucoup à lire ce livre. Joyce Maynard semble avoir de nombreuses fans mais je crains le récit trop romancé ou "commercial". J'ai tenté une lecture de Kasischke suite aux engouements de lecteurs et ce n'était pas une réussite. Je vais continuer à lire des chroniques pour voir si j'y trouve mes repères. Le côté psychologique que tu cites est un bon critère pour moi.

  4. Je suis plongée dedans donc j'ai lu ta chronique en diagonal, quel bonheur de retrouver la plume tendre et sensible de Joyce Maynard.

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