Scénario : Alain Ayroles
Illustrations : Juanjo Guarnido
Editions Delcourt, Hors-Collection, 2019, 393 pages
Le prologue :
Seigneur, je suis de Ségovie.
Je vous épargnerai le récit de mes premières années et de la vie que je menai en Castille.
Sachez simplement qu’elles furent placées sous le sceau de l’indigence,
de la fourbe
et de la friponnerie.
En dépit de mes constants efforts,
malgré des trésors d’astuce et des joyaux d’imagination,
je ne parvins jamais à m’élever au-dessus de ma misérable condition.
Gueux j’étais,
gueux je resterais.
C’est pourquoi je résolus de partir pour les Indes
pour voir si mon sort s’améliorerait en changeant de monde
et de pays.
La quatrième de couverture :
Fripouille sympathique, don Pablos de Ségovie fait le récit de ses aventures picaresques dans cette Amérique qu’on appelait encore les Indes au siècle d’or. Tour à tour misérable et richissime, adoré et conspué, ses tribulations le mèneront des bas-fonds aux palais, des pics de la Cordillère aux méandres de l’Amazone, jusqu’à ce lieu mythique du Nouveau Monde : l’Eldorado !
L’opinion de Miss Léo :
Si vous me suivez depuis longtemps, vous savez toute l’admiration que je porte à Alain Ayroles et Juanjo Guarnido. Scénariste talentueux, le premier est notamment l’auteur de la savoureuse série De cape et de crocs, dont je ne me suis pas encore totalement remise. Le second est surtout connu pour avoir signé les superbes illustrations de la série Blacksad, que j’avais également beaucoup aimée (bien que les personnages anthropomorphes ne soient généralement pas ma tasse de thé). Par un beau matin de septembre 2019, me voici sur le blog de Jérôme, où j’apprends de façon totalement impromptue la sortie d’un nouvel album d’Ayroles, illustré par… Guarnido. Vous imaginez sans peine l’état d’hystérie avide dans lequel m’a plongée cette nouvelle inattendue : “We wants it ! We needs it !” (Gollum, sors de ce corps !). Quelques jours et trois syncopes plus tard, j’ai eu le plaisir de recevoir le précieux des mains de mon amie Blandine, qui avait jugé opportun de me l’offrir pour mes quarante ans : “Miiiine !”. Après avoir balbutié quelques remerciements incohérents, je me suis empressée de le ramener chez moi, où j’ai enfin pu le lire tranquillement.
Pour commencer, j’aimerais remercier les éditions Delcourt, qui ont eu la bonne idée de publier Les Indes fourbes dans un superbe album en très grand format, agréable à la vue comme au toucher. Quel magnifique écrin ! L’objet en lui-même justifie amplement l’achat de cette BD, d’autant plus que le contenu se révèle ici à la hauteur du support.
En choisissant d’imaginer une suite aux aventures de Don Pablos de Segovia, héros d’un roman picaresque espagnol publié par Francisco de Quevedo en 1626, les deux auteurs trouvent un terrain de jeu à la mesure de leur talent. Alain Ayroles s’en donne à coeur joie dans ce récit à la première personne, dont le ton un brin précieux n’est pas sans rappeler celui des monologues d’Eusèbe, le petit lapin de De cape et de crocs. J’aime vraiment sa façon d’écrire ! Tout à la fois truculent, outrancier et raffiné, d’une grande qualité littéraire, le texte se dévore avec délectation.
Le scénario est quant à lui assez enthousiasmant. On se régale à chaque page de cette histoire réjouissante et profondément ludique, dont la construction se révèle pleine de malice. Inutile de trop en dire ! Sachez seulement que les aventures du malheureux Don Pablos de Segovia (un personnage riche et complexe) seront ponctuées de nombreuses péripéties, et de rebondissements à n’en plus finir. La vérité n’est pas toujours celle que l’on croit… Ajoutez à cela un humour féroce (apparemment dans la lignée de l’oeuvre de Francisco de Quevedo), et vous obtiendrez un savoureux cocktail, aux arômes subtilement divertissants.
Les illustrations de Juanjo Guarnido sont superbes. Vivantes et colorées, les planches sont remarquablement bien construites, et servent à merveille le texte d’Ayroles.
D’une oeuvre à l’autre, on retrouve d’ailleurs curieusement la “patte” de ce dernier dans les dessins, plus particulièrement dans les expressions des visages, bien qu’il n’en soit pas l’auteur. C’est bien la preuve du talent de Guarnido, dont le style s’adapte parfaitement à l’univers du scénariste ; cela traduit aussi l’existence d’une véritable complicité entre deux créateurs au sommet de leur art, dont le travail commun aura permis l’éclosion de ce chef d’oeuvre.
Pour résumer : un album dense, très classe, d’une intelligence et d’une finesse rares. Je le place d’ores et déjà parmi mes bandes dessinées préférées !
Voilà un album parfait qui finira surement dans la liste du père Noël… Il faut aussi que je relise complètement les De capes et de crocs.
Un bien beau cadeau de Noël ! 😉
Allez hop, je le réserve immédiatement à la bibliothèque !
Ouiii ! Excellente idée.